Petit tour d’horizon de mes jeux vidéo préférés, en tant qu’introvertie. Au programme : du narratif, des histoires inoubliables et des personnages attachants.
Impossible de ne pas faire un article sur cette thématique qui me tient à coeur. Je joue aux jeux vidéo depuis que je suis en âge de toucher à une manette : depuis presque toujours, en gros.
Et en termes de jeux vidéo, ma préférence va vers les jeux d’aventure narratifs où mes choix influent sur la fin. Et puis ce que j’aime aussi, c’est les simulateurs de promenade. C’est vrai que même en l’écrivant, j’ai l’impression que c’est un vraiment chiant et d’ailleurs, beaucoup de gens ont cette opinion-là à ce sujet. Pourtant, à mon sens, ce n’est pas le cas. Les walking simulators sont des jeux d’exploration en vue subjective basés principalement sur une atmosphère et un monde plutôt que sur les défis.
Bref, ne vous attendez pas à voir Fortnite et Fifa apparaître dans la liste, je ne suis pas spécialement fan de ce type de jeu et puis de toute façon, c’est un peu hors-sujet, pour le coup.
1. Life is Strange 1 (2015, Dontnod Entertainment)
On rentre dans le vif du sujet avec Life is Strange, qui est sans doute l’un de mes jeux préférés pour son gros potentiel narratif que l’on peut exploiter à fond. Vous incarnez Max, une ado introvertie et apprentie photographe de retour dans sa ville d’enfance pour intégrer le lycée de Blackwell après quelques années de vie à Seattle.
Dès les premiers instants, elle se rend compte que quelque chose n’est pas normal : elle a subitement le pouvoir de remonter et d’arrêter le temps. Elle arrive ainsi à sauver Chloe, son ex-meilleure amie, d’une mort certaine. En parallèle, la disparition inquiétante de Rachel, la fille populaire de l’école, suscite des interrogations.
Pourquoi Max a-t-elle ce pouvoir ? Changer le présent est-il sans conséquences ? Saurons-nous ce qui est arrivé à Rachel ?
Le déroulé de l’histoire dépend entièrement des choix que vous faites et vous devez savoir faire la part des choses : est-ce que vous devez écouter votre coeur ou plutôt votre raison ? Est-ce que vous devez parler ou garder certaines choses pour vous ? Est-ce que vous êtes prêt.e à jouer aux enquêteur.ice.s pour découvrir la vérité, quitte à vous mettre dans de beaux draps ?
Jamais un jeu ne m’avait autant fait ressentir de choses, et le personnage de Max me plaît beaucoup parce qu’il est profond et réfléchi, sa façon d’intérioriser les choses me parle et la plupart du temps, son pouvoir nous laisse démuni.e parce qu’on doit faire face à d’horribles dilemmes qui nous retournent le cerveau : préparez-vous à faire de l’insomnie. J’aime l’idée que l’héroïne de l’histoire, qui est une introvertie notoire, soit dépeinte avec tant de nuances et d’intensité. Elle est sensible et forte, repliée sur elle-même mais infiniment proche des autres. Et puis personne en dehors de Max n’aurait les épaules assez larges pour avoir le courage de changer le cours des choses.
2. Gone Home (2013, The Fullbright Company)
Et voici le premier simulateur de promenade de la liste. Dans ce jeu, il n’y a pas vraiment de but précis, si ce n’est se balader dans les couloirs et les chambres pour découvrir les secrets familiaux de Kaitlin, 21 ans, qui rentre chez elle après un voyage en Europe.
On est en 1995 : la famille de Katie a déménagé dans un grand manoir digne des pires jeux de survival horror, sauf qu’il est vide. Il n’y a aucune explication à ça. Bref, la panique.
On ouvre tous les placards, on lit les lettres qu’on trouve et on joue avec le décor pour comprendre pourquoi personne n’est ici. Et puis surtout, on fait attention aux détails, on observe ce qui nous entoure pour analyser la situation. À travers les indices glissés ça et là qui font parfois des allusions à la pop culture ou encore au monde occulte, on comprend vite que l’histoire qui se cache derrière tout ça est dramatique… Et on se surprend à ressentir de l’injustice, de la tristesse et parfois même de la joie en lisant les récits contés dans les lettres. Le tout dans la solitude la plus totale.
Le personnage de Sam, la petite soeur introvertie et rêveuse de Kaitlin, prend vite une place cruciale au sein de cette histoire familiale énigmatique en s’interrogeant sur le sens de la vie, sur sa sexualité ou encore sur son identité de genre. Ça apporte une vraie profondeur à toute l’histoire. On en sort grandi.e, un peu comme Kaitlyn, finalement, qui découvre brutalement que toute son enfance glorieuse appartient désormais au passé.
3. Syberia 1 et 2 (2002, 2004, Microïds)
Parmi les jeux d’aventure narratifs, Syberia fait partie de ceux qui ont eu le plus de résonance dans ma vie, et pas pour les raisons les plus objectives. Pourquoi ce jeu et pas un autre ? Ça ne s’explique pas, mais j’ai des hypothèses.
Si je suis si attachée à cette belle histoire, c’est sans doute parce que c’est le récit d’un long voyage vers un autre monde qui implique de sacrifier une partie de soi et de parler à son enfant intérieur.
Kate, une avocate chargée de conclure le rachat d’une usine d’automates familiale dans un petit village perdu, découvre l’existence d’un héritier potentiel qui a disparu. Prise au dépourvu, elle décide très vite de quitter fiancé, maison et carrière pour se lancer dans un voyage qui l’emmène à l’autre bout du monde pour ne plus jamais rentrer. Kate tente très vite de découvrir Syberia, une île légendaire qui n’existe sur aucune carte et où vivraient encore les derniers mammouths de ce monde. Mais pour ce faire, il faut traverser vents et marées… et accessoirement toute la Sibérie, façon expédition.
La perspective de tout quitter pour tenter d’aller découvrir une île perdue qui relève du mythe me parle complètement et depuis toujours. C’est poétique, c’est infiniment beau, ça rappelle les récits incroyables de Jules Verne avec un décor steampunk des plus magnifiques pour l’époque dans le jeu vidéo et la bande-son est exceptionnelle. Il y a vraiment tout ce que j’aime dans un jeu. Dommage que le dernier Syberia sorti en 2017 n’ait pas réussi à restituer toute la beauté et la magie des deux premiers jeux.
4. SOMA, (2015, Frictional Games)
SOMA, c’est l’histoire de Simon Jarrett. Le pauvre est victime d’un grave accident de voiture. Sa copine Ashley décède sur le coup tandis que lui survit, mais non sans séquelles. Il souffre désormais de graves lésions cérébrales qui peuvent le faire succomber à tout moment. Il tente le tout pour le tout en acceptant un traitement expérimental proposé par deux chercheurs.
Une fois sur place pour réaliser son examen, Simon découvre que le cabinet est vide. Finalement, il trouve le chercheur en charge de son cas au fond du bureau qui lui demande de s’asseoir dans un fauteuil et de mettre le masque devant lui pour analyser son cerveau. Mais au moment de l’enlever, une fois l’examen terminé, Simon se retrouve… à l’intérieur d’une base sous-marine, sans possibilité de contacter le reste du monde.
Comment a-t-il atterri-là ? Est-il en train de rêver ou est-ce la réalité ? Peut-il demander de l’aide à quelqu’un ? Où est passé le chercheur en charge de son examen ? À vous de découvrir tout ça.
J’ADORE ce jeu, et c’est sans doute parce que SOMA est du genre survival horror, directement inspiré de l’univers BioShock, dont je suis très fan. On y retrouve tous les ingrédients qui vont vous faire suffisamment réfléchir pour ne pas en dormir la nuit, l’univers steampunk est vraiment beau et original et les questions philosophiques finissent inévitablement par se poser. Si vous êtes amateur.ice de ce genre de casse-tête à la sauce philosophico-sf avec une inspi Lovecraft, vous allez adorer. Encore un truc à caser dans une dissert de philo, si je le pouvais.
En jouant à ce jeu, on ressent un profond sentiment de solitude face à l’immensité du monde fait d’intelligences artificielles qui nous entoure, son ambiance tellement particulière nous fait basculer de l’ordinaire à une autre réalité qui se trouve tout au fond de l’océan (comme avec la ville de Rapture dans BioShock). Et face aux questions philosophiques liées à l’humanité, au vivant, à la notion d’intelligence artificielle, on remet un peu tout en question. Je ne peux pas vous en dire plus au risque de tout vous dévoiler…
5. La trilogie BioShock (2007, 2010, 2013, Irrational Games)
J’inclus la trilogie BioShock dans cette série de jeux parce que ça doit être l’un des premiers du genre qui m’a fait autant ressentir un profond sentiment de solitude.
Comme pour SOMA, qui s’est directement inspiré de la trilogie, on se retrouve tour à tour enfermé.e dans une ville sous-marine à l’ambiance art déco et steampunk créé par un milliardaire un brin mégalo, puis coincé.e dans une ville flottante où un prophète-gourou veut absolument notre mort. Vous avez dit angoissant ?
À cela se mêlent des problématiques hautement philosophiques qui vont sans nul doute vous interroger. Dans la ville utopique sous-marine de Rapture, la science n’est pas soumise aux règles éthiques et les artistes aux censeurs. Du coup, chacun agit un peu comme il l’entend. À Columbia, c’est la ségrégation raciale qui prime : dans les airs, religion, science et industrie tendent vers la création d’une société où les élites se pavanent tandis les autres travaillent à la sueur de leur front.
Bref, on est bien loin de l’utopie joyeuse promise dans les deux cas et on passe vite à l’uchronie. Parfait si vous êtes un.e justicier.e dans l’âme et que vous souhaitez sauver le monde le temps d’une soirée.
6. Prey (2017, Bethesda Softworks)
In space, no one can hear you scream. C’est sur cette citation tirée du film Alien que j’ai envie de vous parler de Prey. Je n’ai pas joué à la première version de 2006, seulement à celle de 2017, donc je ne peux pas comparer les deux jeux, mais je peux simplement vous dire à quel point le deuxième m’a plu.
Donc vous l’aurez deviné, l’histoire se passe dans l’espace. Dans cette réalité uchronique, John Fitzgerald Kennedy n’a jamais été assassiné en 1963. Le président, plus en forme que jamais, décide de coopérer avec la Russie pour créer un nouveau programme scientifique qui consiste à modifier un satellite pour le transformer en centre de recherche super high tech, le but étant d’y étudier à fond les extraterrestres.
On est en 2032 et on incarne Morgan Yu, un.e volontaire pour être sujet.te à des expériences (douteuses, disons-le) dans le but d’améliorer l’espèce humaine. Sauf que rien ne se déroule comme prévu et nous sommes tenu.e.s d’explorer la station spatiale pour comprendre ce qui se passe.
On est parfaitement seul.e, on se sent souvent oppressé.e, comme si on était le dernier.e humain.e encore vivant.e. et on explore de fond en comble la station… et tout le reste. Les moments où l’on flotte à l’extérieur sont vraiment beaux : avec la bande-son qui est très efficace, tout est là pour s’adonner à des séances de contemplation. C’est un jeu à terminer en un week-end à jouer toute la journée (et la nuit aussi, à moins d’avoir trop peur de sursauter).
7. Everybody’s Gone to the Rapture (2015, Sony Computer Entertainement)
La trame n’est pas complexe, à première vue : vous êtes perdu.e dans une petite bourgade anglaise où tou.te.s les habitante.s ont disparu mystérieusement. Vous devez donc mener l’enquête pour comprendre ce qui se passe. Sur le papier, on part sur un jeu d’exploration ordinaire. Mais ordinaire n’est pas le mot exact pour définir Everybody’s Gone to the Rapture.
La grande particularité de ce jeu, c’est qu’il possède une MULTITUDE de personnages à découvrir dans un monde ouvert. C’est sans fin, on ne peut pas les compter. Tout le monde y est représenté, l’écriture est très maîtrisée, à un tel point qu’on peut s’y perdre quelquefois. Ces personnages, vous les entendez parler comme s’iels étaient à côté de vous mais vous ne les voyez jamais, pour la simple et bonne raison qu’iels sont invisibles à vos yeux. Leurs apparitions visuelles ne s’effectuent qu’à travers un halo de lumière qui apparaît de temps en temps, comme s’il s’agissait de fantômes et que vous aviez le pouvoir de remonter le temps pour vous glisser discrètement dans le passé de chacun, mais leur absence réelle parvient à créer une distance entre vous et eux.
Vous êtes donc une oreille solitaire et omnisciente qui arpente les rues de cette campagne désolée animée par ces esprits du passé si complexes, si énigmatiques.
J’insiste vraiment sur le travail d’écriture : vous vous retrouverez sans doute parmi ces personnages très différent.e.s et leurs vécus entre altruisme, rejet des différences, jugements hâtifs, persécution et ambition dévorante.
8. Firewatch (2016, Campo Santo, Panic)
Nous sommes en 1989. Vous vous appelez Henry et vous avez besoin de faire une pause dans votre vie très compliquée. Ainsi, vous décidez de vous couper du reste du monde et de vivre quelque temps en solitaire. Pour ce faire, vous acceptez un travail dans les étendues sauvages de l’État du Wyoming, aux États-Unis. En gros, vous surveillez des feux de forêts depuis votre tour de surveillance dans les hauteurs. Rien de transcendant, quoi. Mais c’est du pain béni pour l’introverti.e que vous êtes.
Sauf qu’un jour, quelque chose de bizarre va vous intriguer et vous forcer à sortir de votre tour pour explorer un monde ouvert inconnu et hostile, votre carte et votre boussole pour seuls guides. Cet événement va vous pousser à vous ouvrir à Delilah, votre seul contact avec le monde extérieur. Delilah, c’est votre cheffe : vous pouvez la joindre quand vous voulez via votre radio.
J’adore cette relation inattendue qui naît et évolue entre ces deux personnages introvertis. C’est pour ça que j’affectionne tellement Firewatch, outre l’aspect survie et exploration en solo : l’écriture est belle, émouvante, on ressent l’histoire, on se surprend à s’identifier. Delilah est une personne gentille et vraisemblablement aussi seule que Henry avec qui elle se lie très vite. Leurs conversations prennent petit à petit une tournure plus profonde, plus intime. Bref, vous voyez le truc, c’est le genre de conversations qu’on a avec son ami.e introverti.e jusqu’à 5 heures du matin.
En tant que joueur.se, l’évolution de cette relation ne tient qu’à nous. C’est en effet à nous de décider de ce qu’on en fait à travers nos actes et nos interactions. Et ça influe sur le dénouement de l’histoire. La magie des choix, encore une fois.
9. Detroit : Become Humans (2018, Sony Interactive Entertainment, Quantic Dream)
Est-ce qu’il s’agit d’une histoire avec des introverti.e.s ? Peut-être, tout dépend de votre point de vue. Mais si je parle de ce jeu-là, c’est pour son histoire et son mécanisme, que je trouve très pertinents et susceptibles de vous plaire.
L’histoire se passe en 2038, dans la ville de Detroit, aux États-Unis. Ici, les androïdes partagent le quotidien des êtres humains : ils les aident à entretenir leur maison, à faire le ménage, à éduquer leurs enfants ou bien ils sont là pour les distraire. Les androïdes ressemblent à s’y méprendre aux humain.e.s : ils ont la même apparence et communiquent de la même façon. Parce qu’il s’agit de machines, les humain.e.s n’hésitent pas à les jeter, à les détruire, à les maltraiter comme bon leur semble.
Très vite, la compassion rentre en ligne de compte : à travers les yeux de 3 androïdes, on se retrouve frontalement confronté.e.s et exposé.e.s à la cruauté humaine. Mais ce qui me semble le plus intéressant, c’est notre libre-arbitre et notre aptitude à observer les choses autour de nous qui se placent au coeur du mécanisme du jeu.
Dans Detroit, on observe et on agit en fonction des conséquences, tout a un impact. Faire l’expérience de la discrimination nous donne envie de nous révolter, de changer les choses. Ce jeu m’a beaucoup touchée pour ces raisons-là. Et si je me suis sentie impactée, il y a de fortes chances que vous aussi.
10. What Remains of Edith Finch (2017, Annapurna Interactive)
Il s’agit encore d’un simulateur de promenade. Je sais. Je ne peux pas m’en empêcher. C’est vrai qu’à première vue, on rentre dans un schéma classique. On incarne Edith Finch, une jeune femme en quête de réponses qui retourne dans son ancienne maison familiale afin de comprendre pourquoi toute sa famille a disparu dans des circonstances parfois horribles, sur plusieurs générations. Alors, malheureux hasard ou malédiction ?
Tour à tour, on incarne chaque personnage impacté par cette tragédie par le biais de flashbacks et c’est là que commence vraiment le jeu et où l’on y trouve toute son originalité. Pour chaque flashback, on prend un personnage et on l’associe à une représentation. Tous les sens sont en éveil, l’expérience n’est jamais tout à fait la même à chaque fois.
Les histoires, quant à elles sont tour à tour tristes et poétiques, horribles ou injustes. Je pense surtout au personnage du frère d’Edith qui tranche des têtes de poisson dans une usine et qui perd pied dans sa misérable réalité en se réfugiant dans une existence intérieure rêvée où il est roi et aimé de tout le monde. On passe par l’inévitable, la mort, par le biais du rêve. La petite fille enfermée dans sa chambre mange des houx empoisonnés et ouvre la fenêtre pour sortir : au lieu de mourir, elle se transforme en chat. Le garçon censé se tuer dans sa balançoire finit par s’envoler. Le frère solitaire et rêveur finit quant à lui par disparaître dans ses histoires dessinées pour ne plus jamais en sortir. Chacun expérimente différemment l’aventure de la solitude, et c’est ça qui fait de ce jeu un moment inoubliable.
Des jeux, je pourrais vous en conseiller des milliards, mais cet article aurait la taille d’un livre. Je pense aux productions Telltale (The Walking Dead, The Wolf Among Us), The Vanishing of Ethan Carter, The Stanley Parable, Kôna ou encore The Long Dark, par exemple. J’en oublie plein.
Si vous souhaitez que je fasse un deuxième article sur le thème, dites-le moi en commentaires.