Certains mots font plus de mal que d’autres, même si cela part d’une bonne intention. Qu’il s’agisse d’injonctions ou de maladresses, on ne devrait plus les prononcer devant celles et ceux qui souffrent.
TRIGGER WARNING : cet article peut éveiller des souvenirs douloureux chez les personnes qui vivent ou qui ont vécu des traumatismes. Si vous pensez que cela peut vous affecter, je vous conseille de ne pas le lire maintenant ou de le réserver pour plus tard, quand vous vous sentirez prêt.e à le faire.
Il y a des mots qui nous atteignent plus que d’autres. Lorsque nous traversons une période difficile ou que nous venons de vivre un traumatisme, notre entourage joue un rôle déterminant dans notre chemin vers la renaissance.
L’environnement dans lequel nous évoluons est donc crucial pour une reconstruction et une guérison effectives. Lorsqu’un événement douloureux se produit, nous sommes nombreux.ses à avoir entendu ces paroles-là. Certaines sont gratuites, d’autres maladroites. Il y en a qui sont probablement le fruit d’une profonde ignorance de la triste réalité vécue. La plupart sont aussi culpabilisantes. Je crois qu’il est important de réaliser en quoi ces phrases sont un problème, et pourquoi il ne faut plus les prononcer à l’avenir…
1 – « Tu te prends la tête pour rien, il y a des gens qui vivent des situations bien plus graves, tu sais. »
On ne hiérarchise pas le mal-être. Si cette personne ne va pas bien, c’est qu’elle ne va pas bien, c’est la seule chose qu’il faut retenir. Comparer sa situation à celle d’une autre personne n’a donc aucun sens. Et puis, cela n’aide pas à relativiser… l’effet est culpabilisant. Nous ne faisons pas exprès d’aller mal, nous ne choisissons pas notre état.
2 – « Vis l’instant présent, c’est du passé ! Il y a prescription, on oublie ça. »
Personne n’est en droit de juger si oui ou non il y a prescription concernant un traumatisme passé. Certains traumas (re)font d’ailleurs surface bien des années après leur apparition dans notre vie. D’ailleurs, on n’oublie jamais vraiment un épisode douloureux, on apprend à vivre avec et cela peut prendre du temps en fonction de qui nous sommes.
3 – « C’était pas si horrible que ça, tu ne l’aurais pas un peu cherché ? »
Il est déplacé de remettre en cause un trauma ou bien de donner son avis sur son impact. Étiez-vous là ? Et même si c’est le cas, savez vous ce qui a été ressenti à cet instant ? Il n’y a rien de plus terrifiant que de se confier, puis de se rendre compte que notre récit n’a pas été pris au sérieux, minimisé voire invisibilisé. C’est d’ailleurs pour cette raison que certaines personnes préfèrent se taire…
4 – « Tu stagnes, il serait temps d’aller de l’avant, tu ne trouves pas ? »
Il n’y a pas un temps pour guérir, un temps pour aller de l’avant. Chaque personne prend le temps qu’il lui faut avant de rebondir. Cette phase de transition est par ailleurs essentielle, il s’agit d’une étape à part entière allant vers le processus de guérison. Brusquer la personne qui traverse une période difficile va saboter son parcours et créer en elle un sentiment pesant de culpabilité.
5 – « Arrêtons de parler de tout ça, ça devient gênant, je me sens mal de t’entendre. »
Nous avons parfois besoin de verbaliser tous ces mots coincés en nous pour trouver notre force intérieure. Nous ne devons pas avoir honte d’en parler, de mettre des mots à nos émotions. Votre rôle est d’être là, d’écouter, car vous aussi vous voulez que l’on soit là et que l’on vous écoute à votre tour quand vous n’allez pas bien. Certaines choses sont trop dures à garder pour soi, elles doivent sortir. Même si cela est pénible à entendre…
6 – « Tout ça, c’est dans ta tête de toute façon… »
Le gaslighting, ou détournement cognitif, est un technique de manipulation qui consiste à altérer la réalité d’une personne en lui faisant croire qu’elle est dans le faux, qu’elle s’imagine des choses. Le but étant de la mettre dans un état de détresse psychologique : elle perd ses repères. Vous lui faites croire que tout vient d’elle, que « c’est dans sa tête ». Cette technique, hautement toxique, est une manière supplémentaire de minimiser un événement qui a été une source de traumatismes…
7 – « Moi, je ne l’ai pas si mal vécu, j’ai réussi à m’en sortir, et j’ai vécu bien pire… »
Vous avez peut-être mieux vécu cette histoire et su passer à autre chose plus rapidement… Et c’est tant mieux pour vous. Mais la personne qui a vécu cela avec vous souffre encore de son côté. Nous sommes tou.te.s différent.e.s, ce n’est pas parce que vous avez pu tourner la page rapidement que c’est aussi simple pour tout le monde. Nos sensibilités ne sont pas les mêmes, et ça, il faut le prendre en compte et le respecter à tout prix.
8 – « C’était le destin, ça devait arriver, ces choses-là arrivent pour une raison… »
Non, un trauma n’arrive pas « pour une raison ». Croire ou non au destin ne change rien à la maladresse du propos tenu ici. Ce n’est pas ce qu’une personne qui souffre a besoin d’entendre à l’instant où elle vit l’épreuve difficile. Peut-être que cet épisode douloureux de sa vie la rendra plus forte un jour, oui, mais un traumatisme n’a jamais fait du bien à qui que ce soit sur cette terre. JAMAIS.
9 – « Je pense que la meilleure chose est de pardonner ! Pardonne ! »
Vous n’êtes personne pour avoir le droit de juger si oui ou non c’est le bon moment pour pardonner quelqu’un qui nous a fait du mal. Et qui a décrété un jour que pardonner était une éventualité ? Le pardon prend parfois plus de temps que prévu, et surtout, il ne s’agit pas d’une promesse. Pour la santé de tout le monde, il est possible que le pardon ne soit pas envisageable du tout.