Définir le bonheur, quelle étrange entreprise. Et pourtant, j’ai décidé de m’y coller une bonne fois pour toutes, suite au défi qu’une abonnée a lancé à la communauté du Gang.
Le bonheur. Une pente raide et infinie faite de livres et d’idées qui ont traversé le temps et les esprits. Et toujours des montagnes de questions au sommet.
Le bonheur. Sept milliards et des poussières, presque huit. Sept milliards et tant d’autres imaginations fertiles et d’idées neuves qui naissent et qui meurent quelque part, à chaque seconde. Des étoiles, des morceaux d’humanité, des quantités de nuances, une multitude de définitions qui nous séparent les un.e.s des autres, des impressions concrètes aux décors quotidiens qui transpercent celles et ceux qui aiment contempler et idéaliser le monde.
Le bonheur. On a tant parlé de lui et construit des légendes en son honneur. On lui a attribué des règles, on l’a conceptualisé à outrance, intellectualisé de mille et une façons, mystifié au-delà de l’abus. On l’a suivi partout, jusqu’à l’abattement et l’ennui.
Quand on est sûr.e de l’avoir manqué, on l’abandonne, lui et ses promesses. Mais quand l’abandon est consommé et que l’on se détache enfin du bonheur, on le retrouve quelque part dans le coin d’un mirage, par le pouvoir du hasard, aux service des objets trouvés.
Le bonheur est nulle part et partout. Il peut apparaître dans ces rayons de soleil qui passent au travers les fenêtres d’une chambre pour atteindre ce lit réconfortant. Il fusionne avec le mur que l’on s’est construit après tant d’infortunes. Il apparaît soudain, tout autour de nous, il vient transcender l’ordinaire par son pouvoir secret. Son ombre se trouve peut-être quelque part dans le silence de la pièce, il est dans le creux d’un sommeil profond, il incarne le repos.
Le bonheur, je crois l’avoir senti vivre en moi, de tant de façons. Il réside dans toutes ces découvertes humaines que je fais, allant de l’imaginaire des autres à ces souvenirs que je construis et que j’idéalise.
Si nous avons de la chance, le bonheur se retrouve dans la chaleur du présent. Et pour celles et ceux qui rêvent, il est dans l’attente, le renouveau, parfois juste dans un coin de notre tête, dans le temple de l’imaginaire.
Il suffit d’appuyer dessus et d’oublier l’existant, ce cadre parfois mortel pour les rêveurs, les rêveuses, ces personnes qui aiment se raconter et entendre des histoires encore jamais entendues.
Il suffit de se glisser dans cette petite bulle qui nous mène vers un nouveau monde, cet univers entier qui vit dans une mélodie ou dans un tableau. Cette bulle qui nous fait croire un instant que le bonheur existe bien dans le réel, et qu’on peut même le toucher du bout des doigts, car tout devient si simple et si limpide à présent. Nos yeux humides brillent d’émotion, autant d’éléments qui attestent bien que le bonheur est un jour passé par là, pendant quelques minutes, quelques secondes, l’espace d’un instant, dans cette pièce, dans ce lit, par ces rayons de soleil, entre ces murs, qu’il a été avec nous, qu’il a transpercé notre corps pour habiter notre esprit. Et puis, il finit par s’en aller, l’exaltation disparait. Il ne reste plus que ce même mur que nous fixons pour nous souvenir et ressouvenir encore et encore qu’il a pu habiter ces lieux.
Le bonheur… Quelle étrange entreprise que de vouloir tenter de définir ce qui peut aisément se passer de définition. Quelle prétention que de vouloir mettre des mots à ce qui devrait se passer du moindre discours, tant il est si peu concevable d’en faire un portrait robot.
Le bonheur, je crois l’avoir senti vivre en moi, de tant de façons. Il réside dans toutes ces découvertes humaines que je fais, allant de l’imaginaire des autres à ces souvenirs que je construis et que j’idéalise avec le temps. Il se trouve aussi pour moi dans la transmission. Quand je le ressens vraiment, je voudrais pouvoir le répandre partout autour de moi, me dédoubler pour le diffuser aussi loin que possible, car que serait le bonheur si nous ne pouvions pas le partager ?
Hélas, bien souvent dès que je le tiens, il devient un souvenir, comme un gros nuage que l’on essayerait d’attraper, mais de près, ce n’est que de l’eau. Si bref et si intense, il devient un rêve inaccessible, d’ailleurs, c’est la forme qu’il prend le plus souvent quand je me représente ce qu’il est. Il transperce mon corps de toute sa force. Comme la majorité d’entre nous, j’ai passé ma vie entière à me poser la question, à élaborer un milliard d’hypothèses, à mesurer ces dernières aux représentations du bonheur illustrées par d’autres personnes qui se sont aussi posé les mêmes questions que moi il y a quelques jours ou quelques siècles auparavant.
« J’y suis presque », « je l’ai attrapé au vol !» me suis-je parfois exclamée, comme si je pouvais le toucher, et même quelquefois le sentir si je fermais bien les yeux. Est-il là, est-il dans l’air, bien présent ? Pour toutes ces fois où j’ai cru le tenir de mes deux mains, s’agissait-il de bonheur, ou bien d’une simple idée que je m’en faisais, influencée par le temps, l’art, la beauté du monde, ces voix qui me parlaient à moi, et à mon coeur ? Était-ce juste une image de ce qu’il pouvait être, une image retrouvée sur les écrans, dans les paroles d’une chanson ?
Je construis dans ma tête des univers, tous différents, dans lesquels je vais et je reviens parfois…
En l’attendant, je profite de la vie, du caractère unique d’un seul instant. Je plonge mes yeux dans le fond de ces choses si simples ancrées dans mon quotidien. Dans la musique. La douceur d’une main qui me frôle. La beauté d’une couleur. L’anticipation d’une chose. Dans la rêverie aussi certainement, le bonheur est là des minutes, des heures, parfois. Plus quand c’est mon jour de chance.
Je ne me lasse jamais d’énumérer toutes ses perspectives, ses si nombreuses promesses, et tous ces tableaux vivants qui me sont gracieusement offerts. Je cueille des fleurs et du savoir. Je dessine des moutons, de sublimes paysages mentaux et parfois de grandes histoires qui viennent d’une autre réalité. Je prends le temps de sourire, d’écouter le temps passer à ma fenêtre d’envisager mon avenir, ce qu’il pourrait être.
Je construis dans ma tête des univers, tous différents, dans lesquels je vais et je reviens parfois, car il y en a trop pour que je m’éternise dans un seul et même monde et puis après tout, chaque jour est une aventure. Je joue avec des mots comme s’il d’agissait d’un grand puzzle d’idées et de sentiments, j’écoute de la musique et je la vois soudain devant mes yeux. Je la vois elle, avec ses mille couleurs, toutes ses matières.
Je sais que le bonheur est à ma porte, et qu’il révèle par toutes ces formes l’horizon d’un avenir encore plus beau. Je profite de ma vie et de tout ce qu’elle me donne, désintéressée. Et de tout ce que j’en retiens, sans rien attendre en retour, j’en fais un bouquet.
Aujourd’hui, pour la première fois de ma vie, je peux vous dire qu’il est là, quelque part, à l’intérieur. Je l’ai trouvé ici, dans la chaleur que je peux communiquer à d’autres humain.e.s, dans tout ce que je suis en mesure de donner de moi pour le rendre contagieux, pour qu’il se répande aussi loin que possible. Combien de temps restera-t-il ici ?
Je l’ignore. Et à vrai dire, je m’en moque.