La guerre intérieure prend fin. Il le fallait. La jalousie, l’envie sont des sentiments humains qui peuvent s’accentuer lorsqu’on est une personne introvertie qui évolue dans un monde d’extraverti.e.s. J’ai décidé d’accepter tout ça pour avancer.
Plus de honte qui tienne.
À bien regarder autour de vous, nul ne vous dira qu’il ou elle est jaloux.se d’une collègue, d’un cousin, d’une amie. À bien regarder autour de nous, lorsqu’il est question d’envie plus ou moins brûlante, tout le monde se planque. « Moi, jaloux.se ? Moi envieux.se ? Mais tout va bien dans ma vie, pourquoi le serais-je ? » La fierté finit toujours par rentrer dans l’équation et on se surprend à essayer de sauver les apparences coûte que coûte. Mais pourquoi donc ?
J’ai été jalouse, j’ai été envieuse
En ce qui me concerne, j’ai passé une très large partie de ma vie à me comparer aux autres. Même à ces figures qui n’étaient en fait que des images figées par des standards. J’ai vendu toute mon énergie vitale au Diable pour tenter de m’intégrer au monde vivant, désirant si ardemment être aimée par le plus grand nombre, sans pour autant réussir à trouver un quelconque point d’ancrage ou bien des représentations qui auraient pu me rendre fière de ce que j’étais. Et puis, enfin, j’ai consacré tant de temps à essayer d’être un standard à mon tour, en me planquant sous des couches et des couches de paraître… Mais à quoi bon être une image, qu’est-ce que je tente de prouver ici ?
Lorsque je me tourne vers mon passé, le regard changé, toute neuve et transformée par mes acquis et mes déclics d’adulte qui apprend tout doucement à raisonner, je me dois d’accepter l’évidence, cette douloureuse conclusion : tout cela ne m’a apporté que du négatif.
Pourquoi vous parler de tout ça aujourd’hui ? J’ai sans doute besoin de laisser à 2020 mes derniers traumatismes et voyager aussi léger que je le peux. Mais quel défi. Se livrer sur la jalousie et sur l’envie n’est pas une entreprise facile. Parfois, il est même impossible de se convaincre soi-même que l’on puisse ressentir cette émotion si forte et si aveuglante. Cela reviendrait à admettre que nous sommes des êtres incomplets, insatisfaits de cette image que le miroir nous renvoie, et avec quelques insécurités dont les origines mériteraient d’être déterrées pour en comprendre les mécanismes. On utilisera dans ce cas des excuses pour blâmer cette personne, l’objet de notre comparaison, au lieu de nous rendre à l’évidence : elle n’a rien fait de mal. C’est nous et seulement nous qui tentons de justifier l’injustifiable : notre jalousie.
De l’art de performer et de répondre à une norme
La jalousie, l’envie, les comparaisons continuelles… tout ça vous mange le cerveau. Littéralement. Et il faut dire que notre époque ne nous aide pas vraiment à nous accepter tel.le.s que nous sommes. Ces idéaux qui apparaissent si souvent sur nos écrans ont été cantonnés aux rangs de modèles par je ne sais quelle façon, sans raison logique. Et c’est un motif suffisant pour altérer notre regard et nous faire perdre pied avec la réalité en nous faisant croire que nous ne sommes « jamais assez » ou « trop » quelque chose.
Pour exister, nous devons donc performer – le plus bruyamment du monde de préférence – et être aussi agréables à regarder que possible, enfin, comme toujours, selon une norme imposée.
Sur les réseaux sociaux, certains comptes orientés « forme » et/ou « développement personnel » surfent d’ailleurs sur cette vague-là en tenant de persuader leur auditoire qu’il faut « agir » pour posséder, « sortir à tout prix » de sa « zone de confort » et se « maintenir en forme » pour être une meilleure version physique et mentale de soi-même. Selon moi, toute forme d’impulsion à agir ne doit pas être provoquée par le biais de la culpabilisation. On peut s’y prendre autrement. Ce n’est que mon avis, peut-être que le vôtre sera différent. S’il existe un public pour ces contenus qui vont vous « botter les fesses », c’est que ces derniers doivent en motiver certain.e.s…
Comment admettre ce que l’on ressent face aux injonctions de la société ?
Dans mon cas, la plupart du temps, face à ces injonctions souvent déguisées en conseils délivrés en toute bienveillance, je n’arrive que très peu à faire la part des choses. Peut-être que vous non plus. Et le pire, dans tout ça, c’est que personne ne peut réellement comprendre ce que l’on vit… en apparence. Difficile de rationaliser quand notre regard a été si longtemps éduqué, habitué à une norme stricte, à un certain schéma de vie qui serait le bon. Ces émotions-là sont rarement les meilleures substances à rationaliser, de toute façon.
Et si d’aventure, vous craquez sous le poids de la pression et admettez que vous ressentez beaucoup d’envie car vous voyez un monde entre ce que vous êtes réellement et ce que l’on attend de vous, on vous regardera de travers. Ou vous dira que vous êtes victime de vos émotions. On vous en voudra aussi peut-être. On se détournera de vous. On ne peut pas dire « je suis jaloux.se », ça voudrait dire qu’on a perdu la face, d’après le commun des mortels, puisque chaque personne est forcément fière d’elle et en bonne santé mentale. D’ailleurs, la société a volontairement fermé les yeux sur le concept de « santé mentale », comme si par définition, tout le monde allait bien, dans le meilleur des mondes. Le mythe du bonheur insoutenable, si vous aimez les dystopies et Ira Levin. Soyez heureux.ses ou alors prenez vos cachets. Le sujet est donc tristement tabou, dès que l’on décide de sortir de notre tête et de verbaliser ces mots et ces petites choses « de rien du tout » comme on vous dira, et qui nous prennent toute votre énergie. Fais du sport, arrête de te prendre la tête.
Bla, bla.
J’ai nourri tant d’insécurités à cause de ma honte d’avoir été envieuse, parfois jalouse de ce que d’autres possédaient et me suis perdue dans cette partie de cache-cache, au point de péter un plomb, noyée par mon mal-être. Alors je voudrais apporter ici quelques clés pour vous aider, vous rassurer, ne serait-ce que dans l’instant, et vous prouver qu’on peut s’en sortir. Je m’en sors, actuellement. Impossible de vous dire que je suis tirée d’affaire, mais ça va mieux, et j’aimerais vous expliquer comment j’ai réussi cet exploit. Ne pas en parler n’a pas été la solution la plus saine pour moi et je ne voudrais pas que vous fassiez la même erreur.
La jalousie et l’envie sont des sentiments humains, après tout. Et les émotions qui en découlent sont destructrices. Il est important de les sortir de nous pour avancer.
Cette fille, ces gens… et mon point de rupture
Dans ma courte vie, j’ai croisé le chemin de cette fille. Je dois vous parler d’elle. Vous la connaissez. Cette fille est un perfect du bingo de la femme parfaite, enfin, à supposer qu’elle existe. Cette fille possède une intelligence très plébiscitée par notre société extravertie : un don qui frôle le génie pour se mettre les autres dans sa poche et obtenir absolument tout ce qu’elle désire, rien qu’en ouvrant la bouche. Qu’importe où elle se trouve, on la laisse forcément rentrer car elle possède le bagou. Cette fille maîtrise parfaitement les conventions sociales et arriverait sans doute à tenir une conversation avec le Dalaï Lama sans avoir la voix qui tremble. Elle ne semble avoir peur de rien et fonce dans le tas, le dos bien droit, la poitrine bombée, vers son objectif. Elle est extravertie. Lorsque j’arrivais à me faire une place au sein de mon environnement en créant du lien à mon rythme, elle, telle une tornade, venait tout bousculer en tissant une infinité d’amitiés et en chopant quelques numéros. Ça lui prenait cinq minutes chrono.
Cette fille, je l’ai tour à tour enviée, admirée, adorée, détestée. J’ai d’abord tenté de rationaliser, vous savez, avec le fameux : « vous n’êtes pas pareilles, ce n’est pas comparable ». Mais c’est si dur de ne pas y penser et de ne pas se sentir comme la dernière des inutiles face à un tel profil et les exclamations admiratives des autres. Qui pouvais-je charmer, que pouvais-je obtenir, moi qui suis si réservée, trop douce, plus méfiante ?
Je me sentais littéralement empoisonnée par cet univers, où les apparences semblaient être tout ce qui comptait. Je ne pouvais plus respirer le même air que ces autres que je voyais pourtant quotidiennement, et ce n’était pas contre eux : c’est juste que je ne pouvais plus les voir, plus leur parler, plus être présente mentalement à leurs côtés, car tout se dérobait sous mes pieds. Je savais qu’une heure passée avec une personne, qui qu’elle soit, nécessiterait de récupérer une semaine dans mon coin. Je savais que le moindre mot lié aux apparences pouvait me miner pendant des mois, et que cela me servirait malgré moi d’outil pour m’auto-flageller. Alors j’ai disparu des radars et me suis enterrée. Je n’avais plus rien à dire à mon sujet, passé un stade de vulnérabilité encore jamais atteint. À cette époque, je me haïssais d’une telle force et avec tant énergie que j’en avais complètement oublié de vivre dans le présent.
Et un jour, le hasard a été un peu mauvais avec moi : j’ai appris qu’elle était sur le point de réaliser mon rêve. Le mien. Quand je l’ai su, ça ne m’a pas réjoui des masses. Mais le sentiment le plus douloureux a été la honte que j’ai ressentie de ne pas m’en réjouir, parce que c’était une bonne nouvelle pour elle, finalement. J’aurais pu être ravie et m’arrêter là, passer à autre chose. Au lieu de ça, j’ai fait des insomnies et paniqué. Pas vis-à-vis d’elle, mais vis-à-vis de mon avenir, ma propre inertie ma nullité présumée. Oui, j’étais nulle, c’était clair et net. J’étais la version bêta, pleine de bugs, imparfaite, brouillonne. Elle, elle était la version finale, la version aboutie, la crème de la crème.
« Et toi, tu fais quoi ? Tu procrastines encore sur tes projets, et puis c’est facile pour elle, elle répond à tous les standards, tout le monde l’aime, elle a une foule d’ami.e.s, un carnet de contacts que tu n’auras jamais, même pas en rêve, parce que t’es trop conne et insignifiante pour attirer l’attention des autres et tu ne sais pas demander pour obtenir ! Elle, elle le fait sans hésiter »
Un beau jour, ou en pleine nuit, je ne sais plus, j’ai dit stop. Je ne pouvais pas continuer de vivre de cette manière, sinon je signais ma propre fin. Comment retrouver la paix en soi ? Je n’ai pas de secrets, mais un mot. La rationalisation.
Oui, oui. Je n’ai pas l’habitude de rationaliser, et l’ai rarement fait, quelle erreur. Mais ça MARCHE. Voici 9 points qui m’ont permis de me détacher petit à petit de tout ça.
1. J’ai fini par me convaincre que mon rêve était réalisable : l’énergie déployée pour qu’il se concrétise est la seule chose qui compte.
Il n’y a pas de course contre le temps qui tienne : mon rêve, je le réaliserai et je crois qu’il fallait que je passe par toutes ces étapes de doutes pour en arriver à cette conclusion. Je ne vous en dirai pas plus à son sujet, car j’ai peur qu’en l’écrivant ici, ça puisse me couper l’envie de travailler dessus.
Mais il s’agit d’un projet très ambitieux, le plus ambitieux de ma vie. Pour le réaliser, je vais devoir travailler d’arrache-pied, mais j’ai aussi parfaitement conscience que le facteur chance y est pour beaucoup dans sa réalisation et que peu de personnes arrivent à leurs fins. Qu’importe le temps, qu’importe l’énergie que ça me prendra. Je sais qu’il est réalisable, et que j’en ai la possibilité, l’envie, et les ressources mentales pour.
Vous voyez ? Là, je n’ai parlé que de moi et de mon objectif. Je ne me suis pas une seule seconde comparée à une autre personne qui aurait réalisé ce rêve, parce qu’au fond, ces personnes, on s’en fout. Qu’une personne ait réalisé votre rêve est une bonne chose, mais ce n’est pas votre problème, dans les faits. Votre problématique, c’est vous, vos envies, vos moyens de vous lancer. Comment y parvenir ?
En a-t-on vraiment envie, déjà ? Par où commencer ? Il est parfois difficile de savoir si nous souhaitons réellement réaliser ce rêve par pure envie ou parce que nous voulons juste recevoir la validation extérieure tant attendue. Mais le plus dur est de commencer, vous savez. J’en suis encore là, prisonnière de cette phase où je me tâte, où j’essaie des trucs sans me lancer totalement dedans à corps perdu. Comme le disait le singe jogger que BoJack Horseman croise dans la série du même nom pendant son sport matinal qu’il peine à terminer :
It gets easier. Every day it gets a little easier. But you gotta do it every day. That’s the hard part. Et ça devient plus facile. Chaque jour, ça devient un peu plus facile. Mais il faut le faire tout le temps, c’est ça la partie la plus difficile.
BoJack Horseman, Saison 2, Épisode 12
Je ne vous dis pas de charbonner à tout prix jusqu’au burn-out tous les jours, évidemment, car il n’y a rien de pire pour vous dégoûter de votre objectif. Je ne vous dis pas non plus de vous bouger, à l’instar de ces coachs en développement perso qui le font comme si c’était aussi simple que ça. Ce que j’essaie de vous suggérer ici, c’est au moins de songer à l’entreprise de votre rêve, vous dire que c’est possible. D’esquisser dans votre tête, au moins une fois par jour, l’éventualité qu’il devienne réalité. Ce n’est pas de l’auto-persuasion à proprement parler, car je ne suis pas très friande de ce type de technique. Mais se représenter le rêve réalisé peut nous donner l’impulsion d’agir, et ce n’est pas négligeable.
2. À vrai dire, ces personnes que j’enviais tant, je ne les connaissais pas vraiment. Alors pourquoi se comparer à des êtres idéalisés ?
Toute cette assurance que l’on glorifie partout me transperçait, au quotidien. Je la voyais partout, au bureau, en soirée, dans la rue… Et je me sentais si loin de toute cette attention. Car en tant que personnalité réservée, introvertie, et plus calme que la moyenne, je ne recevais aucun compliment, aucune ovation pour avoir été celle que je suis. Même si l’on pensait beaucoup de bien de moi, on ne jugeait pas utile de me faire savoir que je pouvais marquer les esprits comme si j’étais assez forte pour me contenter de rien.
Alors dans l’incertitude, je me montais la tête. L’extraversion des un.e.s, je l’ai carrément enviée, car elle était une sorte de miroir grossissant de tout ce que je n’avais pas en moi ni à donner, ni à revendre. Et parfois, j’ai pu ressentir en moi une sorte de détestation qui n’avait strictement rien de personnel envers les personnes visées, elle n’était reliée qu’à un rapport de rivalité que j’avais construit de toutes pièces intérieurement.
Je partais du principe que ces personnes en face de moi à qui tout réussissait (selon mon point de vue, très important de le préciser) étaient nées avec ce truc, et qu’elles ne pouvaient pas connaître la douleur ou bien la tristesse, parce que la société les brosse déjà bien trop souvent dans le sens du poil. Quelle confiance ils/elles doivent ressentir… Quel bonheur que de recevoir tous ces compliments chaque jour ! Tout doit être si simple, si paisible, au quotidien, quand on vous aime, et quand on vous dit qu’on vous aime à chaque instant.
Non en fait, je ne savais rien du tout de ces personnes, et j’ai émis un jugement à partir de simples choses que je voyais. Erreur de débutante. Lorsque vous ne connaissez pas la personne en off, vous ne pouvez pas savoir s’il s’agit d’un masque social ou d’une image assez fidèle à ce qui se passe à l’intérieur, car il n’y a aucun moyen de le savoir concrètement. Et s’il s’agit d’un vrai-self, encore une fois, vous ne savez rien du passé de cette personne, ce qui lui a permis d’en arriver-là, ce qui lui a donné cette assurance, s’agit-il d’une carapace ou bien d’un besoin d’embrasser entièrement la vie, les autres, les relations sociales, parce que la vie passée était trop dure, trop éprouvante, trop compliquée à appréhender ?
Derrière ces attitudes, une apparence et des filtres, vous ne savez donc rien. Il faudrait prendre le temps de parler à cette personne autour d’un verre, un soir, pour comprendre ne serait-ce qu’un petit bout de sa vie. Dites-vous que même si certaines personnes s’en sortent bien, rien n’est parfait. Car si peu de personnes savent dévoiler toute la partie négative qui a pu un jour bouleverser leur vie et les rendre plus vulnérables… Les façades ne sont rien d’autres que des façades : elles masquent la vision d’ensemble, recèlent des peurs et des insécurités qu’on ne soupçonne pas. Certaines personnes les surmontent (ou les camouflent) mieux que d’autres, c’est tout. Si vous saviez tout ce que l’on peut planquer derrière une attitude extravertie à outrance. Parfois, on peut même y retrouver, en grattant bien, une grosse introversion, doublée d’une timidité dissimulée derrière deux-trois traumas.
3. La réussite est une notion très floue, et on ne peut pas nier l’importance de la chance.
Il existe une multitude de façons d’accéder à un rêve en particulier. Maintenant, je dirais que c’est à vous de mesurer ce qui pourrait vous rendre fièr.e ou pas, ce qui dépasse vos limites – ou non.
Certaines personnes n’auront aucun problème à jouer de leur relationnel pour accéder à un niveau inespéré d’opportunités. Et en soi, qu’importe l’importance que nous accordons à nos valeurs morales pour ce qui relève de la prise de décisions, il faut admettre que l’intelligence relationnelle est une intelligence qui compte aussi. Je ne suis pas en train de faire un pied de nez aux valeurs relatives au travail ou de dire que ces deux manières d’y arriver se valent ou pas, mais que chaque personne utilise ses propres ressources, ses propres qualités, pour tenter quelque chose. Il y a six mois, je vous aurais fait un pamphlet contre l’opportunisme à outrance, et j’avoue ne toujours pas le voir d’un très bon oeil, mais il faut objectivement admettre que cela fonctionne bien et qu’on fait tout ce qui possible pour réaliser nos rêves.
Quand on connaît une personne dans le milieu, il me semble plutôt légitime d’espérer recevoir un coup de pouce ou provoquer la chance, comme ils/elles disent. Certain.e.s appellent ça le pouvoir des rencontres, pour rendre le tout plus poétique. Il est vrai qu’il existe des personnes qui sont bien loties sans avoir plus de talent que d’autres, mais le jeu du relationnel a ses limites aussi, et si vous n’avez rien à donner de particulier, vous allez très vite vous retrouver bloqué.e au bout d’un certain point, de toute façon.
Il est donc moins aisé d’avoir les opportunités faciles de son côté quand on n’a pas de proche qui soit pleinement dans la profession ou qui ait des connaissances en mesure de nous aider pour parler de notre projet…
Mais il y a, croyez-le dur comme fer, d’autres façons de concrétiser un rêve d’enfant.
4. Ma propre réussite, je peux la provoquer à ma façon. Et mon introversion peut m’aider.
Il existe un milliard de façons de réussir sa vie et de s’accomplir. Comme il existe autant de chemins différents que d’humain.e.s, vous seul.e avez la réponse à la question.
Ce que j’essaie de vous expliquer, c’est que vous avez tout à fait les moyens de réussir ce que vous souhaitez entreprendre, à condition de le vouloir tout au fond de vous, et sans passer par des détours qui ne vous ressemblent en rien.
Je ne sais pas réseauter ni m’engouffrer dans des soirées mondaines comme par magie. Je pourrais très bien passer par des moyens détournés, mais je n’y arrive moralement pas. Il ne s’agit pas de ma manière à moi d’appréhender les choses, et ce n’est pas grave, puisque j’ai d’autres atouts en réserve, qui ne demandent qu’à être utilisés.
Que sont mes jokers ? Mon sens de l’observation élevé du monde qui m’entoure. Mon extrême sensibilité et la captation des émotions des autres qui me permettent de les rendre suffisamment justes en les retranscrivant à l’écrit. Je sais toucher l’âme, parce que je suis un être de l’affect, et c’est mon outil de prédilection pour m’affirmer, dans le sens le plus pur du terme.
Oui, je me dis que j’arriverai à réaliser mon rêve, mais autrement, parce que je crois en mon travail. Il y a de multiples façons de réaliser ses rêves, pas une seule et unique manière, comme la société essaie de nous en convaincre. J’ai autant de qualités que n’importe qui, et mon travail, aussi insignifiant soit-ils pour les un.e.s, aura une valeur et l’art de toucher d’autres personnes. Et je dois focaliser mon énergie sur ça et seulement ça.
5. J’ai compris que les chiffres et autres indices de ma propre performance ne servaient qu’à me mettre dans un moule, et non à confirmer ma propre valeur.
La productivité, parlons-en. Celles et ceux qui me connaissent savent à quel point j’accorde de l’importance à mon évolution et mon désir d’entreprendre de nouvelles choses. Mais comment trouver un équilibre dans un monde qui nous impose ce concours de faits d’armes ? À une époque, les miens n’étaient en rien comparables aux exploits merveilleux, glorieux et ambitieux des autres, engagé.e.s dans 12 projets à la fois, menant une vie terriblement excitante. entreprenant des relations sociales profondes, édifiantes, avec un entourage qui les nourrit par leur ouverture d’esprit et leur savoir tandis que moi et mon syndrome de l’imposteur étions en train de terminer un énième jeu vidéo en sous-vêtements sur le canapé.
Mais quelle valeur a réellement la performance chiffrée ? Car dans notre monde, oui, tout est noté. Depuis notre naissance, on n’a de cesse de nous situer dans une moyenne. Sommes-nous aussi fort.e.s que les autres enfants ? Sommes-nous aussi intelligent.e.s, aussi précoces ? Pas assez ? Et puis, quand le moment arrive où nous devons aller à l’école, les notes tombent, pleuvent et parfois nous désarment, parce qu’elles sont l’indice de performance ultime, celui de notre valeur au sein de cette société, et ça y est, on est coincé.e.s dans une compétition qui ne s’arrête qu’à la mort.
La notation et le fameux dossier scolaire sont pourtant de tout autres indicateurs : ils ne relèvent pas notre valeur, mais plutôt notre aptitude à intégrer ou non ce moule créateur d’étiquettes qui deviendra notre quotidien à vingt, trente ans.
Et quand on prend conscience qu’un chiffre est un chiffre (juste un chiffre), et que le monde tente par tous les moyens de nous culpabiliser lorsque nous ne rentrons pas dans les rangs, on respire un peu. Certaines personnes font tout pour s’intégrer, au péril de leur santé. Mais à quoi cela sert ? À collectionner des honneurs ? L’approbation de qui ? Et nous, dans tout ça, qu’est-ce qu’on y gagne ? Pas grand chose. Et il n’y a rien de pire que d’être étranger.e à soi-même.
6. Quand je tombe sur une photo postée sur les réseaux sociaux, j’essaie de visualiser l’envers du décor et tous les temps morts entre l’instant qui a été immortalisé.
Je sais qu’une grande partie de mes angoisses est née à cause des réseaux sociaux. Pas évident de s’en détacher, surtout lorsque c’est votre métier, et que vous pouvez tomber sans même le choisir sur des photos d’influenceurs et d’influenceuses qui vous vendent une vie de rêve, dans le meilleur des mondes, et que votre regard porté sur les choses et les autres change au fur et à mesure de manière insidieuse.
Aujourd’hui, à chaque fois que je vois une photo qui pourrait potentiellement éveiller en moi des sentiments négatifs à mon propre sujet, je me fais plusieurs réflexions. La première, c’est que personne ne veut montrer qu’il/elle est malheureux.se sur les réseaux sociaux. On ne voit que le bon côté des choses, et parmi ce bon côté, les choses les plus positives, qui vendront le plus de rêve. Deuxièmement, une photo peut communiquer un milliard d’informations, c’est un instant capturé, on peut tout dire et son contraire, on peut cacher tout ce qu’on veut bien cacher avec un simple message ou une story. Et puis, les filtres…
Si vous sentez que cela altère votre perception de votre propre personne, vous pouvez bloquer ou mettre en sourdine certains comptes. Ne vous imposez pas tout ce mal gratuitement, alors que vous pouvez vous concentrer sur vous-même, et sur des choses bien plus importantes, bien réelles, tangibles, car les réseaux sociaux ne sont que très rarement représentatifs de la réalité. On y retrouve des images, des personnages montés de toutes pièces, mais pas ou alors peu de réel.
On n’est pas dans une attitude de fuite, juste dans une démarche de préservation de soi, relative à notre santé mentale. Un compte se débloque, une invitation peut se renvoyer. À l’instant T, vous avez besoin de vous éloigner de ces déclencheurs d’angoisse et de mal-être, et vous avez le droit de vous détacher de ce qui vous fait du mal. Ça passe aussi par les réseaux sociaux. J’ai aussi retravaillé mon algorithme, de façon à tomber le moins possible sur des comptes qui pourraient gâcher ma démarche positive de reconstruction de mon amour pour moi-même.
7. Me comprendre moi-même a été le moyen d’accepter ce que je ne pourrai pas changer, ou du moins ce que je peux utiliser pour être cohérente avec ce qui me constitue.
Un jour, j’ai réalisé que j’étais introvertie, et aussi, entre autres, que ce n’était absolument PAS un défaut. Et j’ai compris, accepté, intégré que c’était moi, et qu’il n’y avait aucun moyen de changer. De toute façon, j’ai tout essayé, et je ne sais pas jouer. J’ai ce besoin permanent de repli, de temps morts, de silences où je me retrouve avec moi-même et c’est très bien comme ça. Je suis aussi une personne de nature réservée : je n’ouvre la bouche que quand j’ai quelque chose à dire, et je ne viens pas vers vous naturellement. Il me faut du temps pour que je sois pleinement moi-même à vos côtés, et agir différemment ne ferait que me bousculer. Je ne suis avenante que lorsque je me sens en confiance. Je ne m’épanche que très rarement à l’oral, à part si la discussion me passionne.
Il m’a fallu du temps avant de réaliser cette manière de fonctionner valait tous les autres tempéraments du monde. Mais ces besoins bien spécifiques sont aussi mêlés à un désir terriblement intense de me lier aux autres, de faire partie de leur univers, d’y avoir ma place. Et je crois que c’est aussi ça qui a été très difficile dans la quête de ma propre acceptation de moi-même, le fait que tout le monde ne puisse, ne veuille ou ne sache pas se connecter à moi comme je le voudrais et que ces personnes parviennent à côté à se lier très vite à ces autres, que j’ai tant pu envier.
Je commence à peine à accepter le fait que je ne pourrai pas retenir l’attention de tout le monde, du moins pas de la même façon que cette fille ou que toutes ces personnes qui fonctionnent comme elle. Peut-être que l’on me retiendra comme la personne effacée du groupe, ou encore comme la fille mystérieuse qui prend du temps pour se dévoiler, ou bien qui manque d’assurance parce qu’elle parle moins que les autres. Peu importe ce que l’on verra de moi, je ne retiendrai véritablement que l’attention de celles et ceux qui accepteront de gratter le vernis de ma carapace sans que je ne leur demande rien, car après tout, ce sont ces liens privilégiés que je recherche, pas d’amitié d’un soir, d’une semaine. Pas d’amitié éphémère.
8. En parler autour de soi, en parler ici, en parler aux personnes qui ont été l’objet d’une comparaison, tout ça m’aide beaucoup à relativiser et à comprendre que je ne suis pas, ou du moins plus, un cas isolé.
Je pense que ce qui n’a fait qu’amplifier mon sentiment négatif a été la honte que j’ai pu en tirer, en ressentir, car les gens confondent la jalousie avec une certaine forme de nombrilisme, alors qu’il peut faire naître en nous un mal-être profond en réalité. Je crois que l’on passe presque tou.te.s par ces moments-là où nous nous comparons sans même nous rendre compte que le cheminement de ces pensées peut être très dangereux pour notre santé mentale, et que le piège peut vite se refermer.
Dire « je ne me sens pas bien quand tu parles de XXX », « je ne me sens pas bien quand je regarde ces stories sur Instagram », « j’ai besoin de soutien de temps en temps, et que tu me dises ce qui est positif chez moi » pourrait débloquer tant de choses. Aussi, je pense qu’il serait bon de normaliser les défauts, une certaine forme de vulnérabilité. On a le droit de craquer, de ne pas toujours être au top. D’abord, cela vous libérerait d’un poids, mais cela permettrait de faire aussi comprendre à ces autres qui nous comparent parfois sans même s’en rendre compte, que la comparaison entre deux personnes n’a non seulement aucun intérêt, mais qu’elle est aussi très toxique, rien que pour votre estime de vous… mais aussi pour la relation que vous entretenez avec l’objet de la comparaison.
Parfois, j’ai cette tentation d’envoyer un message à cette fille pour en parler avec elle. Bien sûr, je n’ose pas le faire, car c’est étrange de reprendre contact de cette façon, et je crois qu’elle n’a aucun moyen de savoir tout ce qu’elle a pu me faire ressentir, et puis, je n’ai aucune envie de la faire culpabiliser pour quelque chose dont elle n’est pas responsable. Ce sont les circonstances extérieures qui nous ont éloignées, les injonctions, les autres personnes de notre entourage, qui nous comparaient indirectement toutes les deux. Ce serait comme passer un cap. Je le ferai peut-être un jour, pour régler tout ça. Avoir cette discussion, comprendre qui elle est réellement, comprendre ses failles, peut-être. J’ai tellement du mal à me dire qu’elle pourrait un jour aller mal, être déprimée, être triste, ou ne pas se sentir à la hauteur, à sa place quelque part. Mais comme tout le monde, certaines fois, elle doit vivre quelques moments difficiles. Seule ou devant son miroir. C’est humain.
Un soir, elle m’avait dit qu’elle m’admirait. Je n’ai pas su quoi lui répondre. À la place, j’ai souri poliment. Je ne lui ai pas répondu « toi aussi je t’admire, et je ne sais pas comment tu fais, où tu trouves la force pour être cette personne que tu es au quotidien » mais je l’ai pensé très fort. Je regrette de l’avoir seulement pensé.
9. J’ai enfin compris que j’étais bien plus qu’une simple apparence.
Enfin, j’aimerais parler de quelque chose que je vis depuis toujours. Mon stattu de femme n’a pas arrangé les choses. Dans ma vie, j’ai senti tant de regards – si souvent concupiscents – se poser sur moi, et me comparer à ces autres femmes qui n’ont rien demandé, elles non plus. Par pur automatisme, par habitude, dehors, au bureau, à l’école, seuls, si souvent en groupe, je les sentais devant, derrière moi, comme un souffle, un souffle très lourd, et des voix qui me disaient quoi faire et quelle attitude adopter, jamais directement, pour plaire, pour leur plaire.
À vrai dire, je ne leur en veux pas : je sais qu’au fond, il ne s’agit que d’un conditionnement, mais comment ne pas perdre pied quand on doit malgré nous porter cette étiquette, celle d’un être qui doit être désirable pour être considéré ? Celle d’un être qui doit répondre à un idéal ? Parce que cet idéal vit toujours et encore dans notre imaginaire collectif, cet idéal qui nous brise, inatteignable, qui déforme notre visage et notre corps devant tous les miroirs du monde, comme un poison qui nous détruit sans jamais nous tuer.
J’ai longtemps cru que mon apparence physique était la seule chose qu’on allait retenir de moi. Alors j’ai passé trop de temps à fixer mon reflet devant le miroir de la salle de bain, espérant comme par magie devenir celle que la société voulait que je sois. Je voulais changer de nez, de menton, de peau, d’identité. Et puis, j’ai croisé le chemin de toutes ces autres filles aussi complexées que moi se dévaloriser sous mes yeux alors qu’on avait exactement la même silhouette, se fixer des objectifs de perte de poids insensés, s’auto-flageller au moindre plaisir gustatif, se dévisager mutuellement pour voir qui en a le plus, qui en a le moins, culpabiliser pour avoir trop donné, ou pas assez, ou trop vite. Comme moi.
Et puis, à l’inverse, j’ai côtoyé aussi toutes ces autres femmes, celles qui s’en sortaient bien avec toutes ces conventions en apparence, les haïssant secrètement parfois car tout le monde les portaient aux nues par faiblesse d’esprit, sans imaginer que peut-être, quand les regards étaient tournés, elles étaient aussi complexées et tristes de ne pas être à la hauteur, tant la pression est écrasante, aussi victimes que moi de toutes ces injonctions à la con. Comme moi.
Cette petite parenthèse qui en dit long sur certains combats que je mène pour vous dire à vous, les femmes qui me lisez, que vous valez bien plus que ça. Que vous êtes bien plus qu’une simple apparence. Que vous avez le droit d’être autre chose que ce que la société et plus spécialement les hommes attendent de vous. Que vous avez le droit d’aller à votre rythme, de foncer ou au contraire de prendre votre temps, de vous taire ou de parler autant que vous le souhaitez pour vous faire entendre. Et que rien ni personne n’a le droit de vous dire que vous devez vous plier à des règles, à des canons, à des standards de beauté ou de comportement. Les autres doivent vous mériter, et vous, vous méritez le monde, et toute sa bienveillance, parce que votre quotidien, comme le mien, n’est pas le plus simple.
Et surtout : cette fille, ne la rejetez pas. Ce n’est pas de sa faute, elle veut s’intégrer, elle veut être aimée aussi, elle veut laisser une marque sur cette terre et dans les esprits, tout comme vous.
Soyez celle que vous êtes, donnez la main à toutes celles que vous n’êtes pas.