Dans un monde où l’introversion est un motif légitime de réprimande, je voudrais rendre hommage à toutes ces personnes qui subissent ou qui ont subi, entendu, essuyé, réprimé gardé pour elles des tonnes et des tonnes de réquisitoires à leur encontre. Il est désormais d’utilité publique de diffuser le message et de ne plus jamais se taire : cela doit cesser. Nous existons et nous ne changerons pas. Y compris dans vos classes.
Assise tout au fond de cette salle qui sent le produit ménager et l’angoisse du lundi, elle sort lentement ses affaires de son sac et balaye timidement la pièce du regard. Comme tous les matins, elle est venue à l’école à pied. La peur au ventre, elle n’a pas pris son petit-déjeuner : cela fait des mois qu’elle ne mange plus rien, c’est-à-dire depuis la rentrée. Ses parents l’interrogent, mais elle ne dit rien. Tout va bien. Promis. À sa gauche se tient un petit groupe, le noyau dur de cette classe surpeuplée, le noyau dur qui brille grâce à son remue-ménage continuel. Les membres de ce petit club très fermé déblatèrent de choses et d’autres, s’échangent des histoires pas spécialement passionnantes sur fond de railleries comme on se troquait des cartes Pokémon à une époque plus lointaine.
À sa gauche, tout un monde, inaccessible, extraordinairement hostile, se présentait à elle, sans qu’elle soit en mesure d’y entrer. Non, il ne faut pas rêver non plus : même si elle le souhaitait, accéder à cette autre réalité n’était pas possible, et puis tout au fond d’elle, l’idée d’obtenir ce fameux sésame d’entrée ne la séduisait pas. Pourtant, elle le savait bien, posséder la clé de cet univers constituait un abri solide et résistant dans cette jungle, cette jungle où le lion était une gamine belliqueuse qui exerçait une emprise tyrannique sur d’autres gosses apeurés et soucieux de rentrer dans la meute pour une vie scolaire sans accrocs.
« La vie ne te fera pas de cadeaux si tu ne te blindes pas »
À sa gauche, il y a comme un vortex qui capte et avale avec avidité tout l’espace vital disponible. Chaque prétexte est bon pour faire taire le silence et laisser une marque d’invasion non consentie dans l’esprit des autres. La seule adulte de la salle, professeure principale de cette classe d’ados survolté.e.s, mesure toutes ces disparités avec une certaine indifférence : c’est normal, « c’est la loi de la jungle ». Les fortes têtes fréquentent les fortes têtes. Les esprits solitaires, plus solitaires que jamais, se retrouvent éparpillés dans les quatre coins de la pièce. Ces derniers, elle voudrait bien les prendre par la main et les aider à dépasser leurs rêves pour se mêler à la « dure réalité de la vie ». Parce que la vie est ailleurs, elle se trouve dans le présent.
Parce qu’il n’y a pas de place pour les rêves. Parce qu’un jour, il faudra « se blinder » et arborer son plus beau sourire face à un futur employeur colérique et borné sans lui dire « merde » ou « je me casse ». Parce que, je cite, « la fragilité porte préjudice, elle encourage les autres à vous écraser ». Parce qu’il faut « faire ses armes » avec toute la rigidité qui vous incarne, et ne jamais laisser la révolte et le sentiment d’injustice dicter vos choix. Combien de métaphores suis-je en train d’omettre ? Combien d’expressions toutes faites, liées à la guerre ou au règne des animaux, prononcées par nos parents, nos professeur.e.s et tous les autres adultes qui ont croisé notre jeunesse suis-je en train d’oublier ? Après une remarque acerbe à l’intention de ses élèves les plus discret.e.s, la professeure prie le noyau dur tout au fond de la classe de se taire un peu, sans conviction, avec un petit sourire amusé plaqué sur les lèvres. Il faut bien que la jeunesse se passe. De préférence dans le bruit, dans un vacarme spectaculaire. C’est naturel. Pas de place pour les âmes rêveuses et idéalistes, pas de place pour les poètes, pour les artistes, pour les penseur.se.s, pas de place pour celles et ceux qui sortiraient discrètement du rang.
La jeune fille, c’est moi, c’est nous.
La remarque acerbe de tout à l’heure était aussi et surtout destinée à la jeune fille qui se trouve à la droite du noyau dur, désormais au bord des larmes. Elle intègre alors que l’existence serait donc une guerre perpétuelle que l’on mène avec soi, pour soi, mais surtout contre les autres, un passage sur terre où toutes les émotions ressenties sont et doivent être tues, comme si leur dissimulation était une manière efficace d’effacer le problème, comme un petit coup de gomme sur un mot qui ne sonne pas bien à l’oreille. Mais ici, rien ne s’efface.
Je connais cette jeune fille. C’était moi, et c’est toujours moi. J’étais introvertie et désespérément seule, introvertie et sans représentations, sans modèles auxquels me raccrocher pour tirer un semblant de fierté de ce que j’étais. Introvertie et sans recul, entourée de grand.e.s qui ont aussi un jour appris à leurs dépens que pour être fort.e, il fallait être bavarde et espiègle, tout ce que je n’étais pas. Rien ne doit trahir un manque d’assurance. Mais le fait est que j’en manquais, et j’avais besoin que l’on me tende la main et que l’on me dise comment faire pour apprendre à aimer un jour son reflet, et tout ce qu’il y avait au-delà de cette enveloppe. Mais pas comme ça.
Ce récit, c’est peut-être aussi le vôtre. Nous le partageons ensemble, même si nous ne nous connaissons pas personnellement. Nous le gardons soigneusement enfoui dans notre mémoire, on le recouvre de plein de petites bricoles pour combler la rancoeur, la déception, la douleur lorsque l’on comprend avec le temps que le problème ne venait pas de nous mais des adultes, ces fameuses voix de l’autorité et de la raison, ces voix venues du passé en qui nous avions tant confiance.
C’est suite à toutes ces considérations que j’ai eu envie, par le biais de cet article, de vous rendre hommage à vous qui parlez moins, à vous qui n’avez pas besoin de vous exprimer oralement à chaque minute et chaque seconde pour être heureux.se, à vous qui intériorisez beaucoup toutes les choses qui vous arrivent, à vous qui savez si bien écouter, à vous qui possédez un monde intérieur si riche et si puissant. La honte ne doit plus faire partie de votre camp, c’est aux autres de comprendre que certaines manières d’agir ne peuvent plus durer aujourd’hui et que vous devriez pouvoir avoir le droit d’être qui vous voulez, à la maison comme à l’école ou bien au travail.
C’est aussi valable pour toutes les personnes plus jeunes qui me liraient : je pense souvent à vous. Cet article, je vous le dédie tout particulièrement.
Trop des souvenirs dans ma tête.
Depuis que j’écris ici, la mémoire me revient petit à petit. Parfois, il est question de souvenirs qui datent d’il y a quinze ans, c’est bizarre. Ce sont des souvenirs que j’ai dû volontairement oublier. Depuis que ce support-là existe et que j’ai enfin la sensation de pouvoir m’exprimer librement, j’ai des bribes de paroles et d’images qui me reviennent en tête, comme ça, par à-coups. Vive la mémoire sélective, mon inconscient a longtemps étalé ce film protecteur autour de mon petit coeur sensible, et je le remercie pour ça.
À l’heure où j’écris, je tire beaucoup de leçons de ce que j’ai vécu dans ma vie, puisque celle-ci a été dernièrement bouleversée : je n’ai plus peur d’être qui je suis. Mon rapport avec les autres est finement décortiqué, mes actions dans le monde professionnel tout autant. Et puis, il y a tout le reste : la vie de famille, les rapports amicaux, les aventures et les histoires sentimentales… Tout est passé au crible. Je lance un regard neuf sur tout ça, comme quand on regarde de nouveau la série phare de notre enfance, vingt ans plus tard. Ce n’est plus comme on l’avait imaginé. Avec tout mon discernement d’adulte, je vois, d’un oeil clairvoyant et plus mature, tout ce qui n’allait pas. Et des choses qui n’allaient pas dans ma scolarité, il y en a eu beaucoup si on compte bien.
J’ai toujours été une gamine plutôt sympa, pourtant. Sage, facile à vivre, un peu perdue, souvent dans la lune, c’est vrai, mais je ne faisais pas de vagues, et puis j’avais des facilités dans les matières littéraires, un amour pour la lecture, je m’impliquais corps et âme dans les projets scolaires qui nécessitaient d’écrire ou de faire appel à son imagination. Je me donnais en rédaction, parce que j’aimais déjà bien ça, écrire. J’étais une gosse sans histoires, mais quand même plutôt intelligente. Seul problème : il me fallait du temps pour m’ouvrir aux autres. C’est là où le bât blesse depuis environ la nuit des temps, je n’exagère pas, ou alors très peu.
Sauvage pour les un.e.s, inquiétante pour d’autres, bizarre, peu assurée, il fallait sans cesse que je songe à me dépasser car il n’était pas envisageable que je ne fasse pas de bruit. Et puis, ma silhouette maigrichonne et ma peau diaphane n’arrangeaient rien. J’avais l’air d’une petite chose fragile, ce qui n’était pas vraiment le cas en réalité, mais pour certain.e.s, c’était un motif suffisant pour en profiter un peu.
Un récit scolaire… parmi tant d’autres que j’ai dû volontairement oublier
Je me souviens de cette histoire vécue au collège. J’étais en sixième. C’était en cours de français. Notre prof nous avait demandé de lire un livre et d’en faire un compte-rendu oral devant toute la classe pour inciter les autres élèves à le lire. Bien sûr, je n’avais aucune envie de parler devant un groupe de pré-ados à l’affût de la moindre petite incartade aux conventions, prêt.e.s à rire dès que l’on bute sur un mot. Ce jour-là, mon corps tout entier tremblait à l’idée d’être interrogée et ma prof de français prenait un malin plaisir à interroger les personnes les plus discrètes du groupe, « pour leur bien ».
« Bon cette fois je vais interroger… Je ne sais pas. Tiens, on va interroger une fille. Je vous laisse deviner qui va passer juste après. Quelques indices. Une personne drôle, bien sûr. Une personne qu’on entend beaucoup parler dans la classe, une pipelette ! Une personne… vive, charismatique, la plus souriante ! »
Les élèves, chacun.e à leur à tour, criaient un nom, le premier qui leur venait en tête. Les noms ont bien entendu été modifiés.
« C’est Morgane ! » disait Julien, le gamin populaire de la classe qui ne prenait jamais la peine de lever la main, mais on ne lui en tenait pas rigueur parce qu’il était mignon et puis, c’était le fils d’un gars qui bossait à la mairie de la commune. Morgane était quant à elle la fille sympa, la fille qui avait du répondant, certainement la fille que vous revoyez plus tard au lycée et qui fera un semestre en Erasmus en fac d’Anglais.
« C’est Déborah ! » Déborah était cette fille que tous les garçons adoraient parce qu’elle était très développée pour son âge. Première à avoir réussi l’exploit d’avoir un copain, Déborah était aussi très bruyante, toujours en compagnie de ses quatre ou cinq copines. Cette leader, pas spécialement mauvaise non plus, avait le don de se faire respecter sans être spécialement tyrannique. Ni gentille, ni méchante, son indifférence envers moi était assez pesante dans le sens où je n’avais aucune chance de m’intégrer parce qu’elle n’avait absolument pas envie que je sois considérée de près ou de loin. Mais d’un autre côté, ça me laissait l’occasion de respirer et d’éviter les problèmes autour de moi dans cette jungle.
« C’est Margaux ! » Margaux était la première de la classe, toujours devant, la main sans cesse levée, des tenues unicolores et des cheveux bruns toujours brillants. Margaux était une pub pour Uniqlo, faisait du piano, prenait des cours particuliers et il n’y avait aucun doute sur le fait que ses études futures seraient payées sans trop de mal. Margaux, je l’ai étrangement recroisée à la fac quelques années plus tard. Elle avait toujours cette même tête d’enfant et son look n’avait pas tant changé que ça, mais elle a arrêté les cours avant de valider sa licence, je n’ai jamais su ce qu’elle est devenue. Toujours est-il que son 18 de moyenne à l’époque lui permettait d’avoir la paix pendant un temps, et quand on arrive doucement vers l’adolescence, tout le monde le sait, avoir la paix est un luxe rarement accessible.
Mais qui était donc cette fille drôle, charismatique, bruyante dont cette enseignante parlait ? J’ai senti le couperet me tomber dessus. C’était une blague. De la part de cette adulte, qui devait prendre soin de moi, qui devait faire preuve de bienveillance à mon égard, qui devait m’accompagner dans mon apprentissage du Français. Elle a sans doute eu envie d’être drôle, ça l’a pris comme ça, comme une envie de fromage à 3h du mat un jour de la semaine. Dans sa tête, tout ce cirque devait être très amusant, et puis c’était une façon à elle de décompresser à l’approche du week-end, sans doute. Je savais très bien ce qui allait se passer. Tout au fond, j’avais compris, mon cœur s’y était préparé : avant que j’en prenne conscience, il était déjà prêt à sortir de ma poitrine pour faire un spectacle de claquettes sur ma table en PVC gris fadasse.
« Oui, vous avez très bien compris, on va interroger Liv ! » Tout s’arrête. La classe explose de rire, j’entends des commentaires un peu gratuits que j’ai dû oublier avec le temps, l’effet est immédiat, l’enseignante a gagné son sésame d’humoriste du jour. Être mal dans ma peau ne suffisait pas, il fallait aussi que je me sente humiliée pour m’endurcir. Merci, mais cette expérience ne m’a pas endurcie.
Alors, il s’est passé quoi ? J’ai raconté l’histoire de mon livre, calmement, la voix un peu plus assurée au bout de deux minutes. De souvenir, j’avais même eu une très bonne note. Intérieurement, je me sentais rongée par la honte. J’ai tant pleuré en rentrant, évitant soigneusement tous les miroirs, les reflets, tout ce qui pouvait me confronter à mon propre visage, à mon image de fillette ni drôle, ni charismatique, ni bruyante, pas normale. À l’époque, cette histoire m’avait travaillée pendant de longues semaines. Je me repassais ces phrases, personne vive, charismatique, la plus souriante ! Tout ce que je n’étais pas, en somme. Elle voulait dire que j’étais triste, et pas intéressante, et pas drôle. C’était de l’ironie, pour faire rire tous les autres, avec qui elle était complice. Je n’en ai jamais parlé à personne, cette scène ne m’est revenue à l’esprit que très récemment car je l’avais complètement oubliée.
J’avais si honte, à l’époque. Mais c’est cette prof de Français qui aurait dû avoir honte. C’est elle qui aurait dû s’interroger sur l’impact de ce qu’elle avait fait, à savoir la mise au pilori d’une ado timide et discrète qui ne voulait pas attirer l’attention sur elle auprès d’une troupe d’enfants prêt.e.s à vous affubler d’un sobriquet ridicule jusqu’à la fin de votre scolarité. C’était elle qui aurait dû se sentir bête. Pas moi. Si j’avais su.
Les institutions nous ont à l’usure.
Et me voilà, quelques années plus tard, à accuser le coup. Ce qui est arrivé à cette jeune fille est injuste : elle était seulement introvertie et timide. L’introversion ne se corrige pas, elle se célèbre. Pour ce qui est de la timidité, personne ne devrait en ressentir de la culpabilité, ce n’est rien de grave, on peut vivre avec, on peut apprivoiser ses peurs tout en acceptant ses émotions. Et puis, nul ne peut véritablement forcer sa propre nature, à moins d’y laisser quelques plumes. Il y a de si beaux oiseaux tout autour de nous, avec de magnifiques plumes qui ornent leurs ailes, toutes si différentes : chacune d’entre elles est belle à sa manière. Celles de l’insouciance, je les ai malgré moi laissées partir pour leur plus grande majorité, de celles qui guidaient mon imaginaire. Je pourrais vous dire que je regrette de les avoir perdues, mais c’était peut-être aussi une façon de grandir et de réaliser à quel point leur absence manque à ma vie et à quel point il faut prendre soin de celles des autres, ces autres qui n’ont pas encore grandi. Cela ne m’empêche pas de vouloir les retrouver un jour sur mon chemin, car malgré les apparences, je suis quelqu’un d’infiniment idéaliste.
Car je voudrais que toutes ces personnes qui me lisent en ce moment et qui sont encore à l’école ne perdent pas leurs belles plumes, qu’elles en prennent soin plus que jamais, parce qu’elles leur appartiennent, parce qu’elles font partie d’elles, parce qu’elles devraient en être fières lorsque les institutions leur demandent de s’en débarrasser ou de les cacher du mieux qu’elles le peuvent.
Dans la suite de cet article, je remets vivement en question tout les mécanismes bien ancrés au sein d’une institution connue de tou.te.s et vieillissante. Son but n’est pas de la réduire en miettes gratuitement, ni de faire des généralités concernant le corps enseignant. Not all profs, allez-vous peut-être m’écrire par messages. Mais je ne suis pas là pour déconsidérer la profession évidemment, mais pour y dénoncer l’impact de ces figures d’autorité importante dans la vie des enfants sur leur état psychologique et sur leur estime d’eux-mêmes. Car oui, définitivement, l’impact est réel. Mon enquête qui suit a pour vocation d’essayer de faire réagir le plus de monde en mettant des mots sur des vérités taboues et en publiant des histoires qui sont réellement arrivées.
Pour cela, j’ai fait appel à l’aide précieuse de ma communauté : les nombreux témoignages que j’ai pu lire dans le cadre de cette enquête que j’avais faite à l’époque et beaucoup partagée sur les réseaux sociaux sont d’utilité publique.
Une enquête, des répondant.e.s, des témoignages.
Vous vous en souvenez peut-être si vous me suivez quotidiennement sur Instagram, j’ai diffusé à plusieurs reprises un questionnaire qui était destiné à tout le monde : les introverti.e.s, les extraverti.e.s, les élèves, les profs, et toutes les personnes déjà sorties de la scolarité. Son thème ? L’introversion à l’école. Le but était de comprendre les ressentis de chaque personne : ont-elles été déjà victimes de harcèlement ou de discrimination en raison de leur introversion ou de leur timidité ? Ont-elles été témoin d’une forme de stigmatisation à l’égard des élèves les plus discret.e.s ? Si oui, d’où provient cette stigmatisation ? Des autres enfants ? Des adultes ?
J’ai obtenu 160 réponses à ce questionnaire : les personnes qui ont répondu sont encore élèves dans le secondaire – collèges et lycées – (32,7%) ou étudiantes la majorité du temps (35,9%). Pour le reste, elles sont dans la vie active, mais sans rapport direct avec l’Éducation Nationale (16,7%). Le reste correspond à des cas plus spécifiques.
Comment le panel perçoit l’introversion ? Pour 70% des répondant.e.s, c’est « une façon différente de percevoir les choses et de vivre sa vie », « une différence injustement pointée du doigt » et une « réelle pression sociale ». Quelques répondant.e.s ont tout de même coché qu’il s’agissait pour elles d’une « forme de marginalité » (23%) et d’une « forme de timidité pathologique » (21%). La preuve que les stéréotypes ont la vie dure…
77% des personnes qui ont répondu se considèrent introverties, 68% pensent être timides. Aussi, 32% de mon panel se considère « ambiverti » : l’introversion de certain.e.s se mêle parfois à des moments d’extraversion. J’en parle dans cet article si ça vous intéresse.
Un panel qui a majoritairement subi ou été témoin de discriminations liées à l’introversion et à la timidité
Pour ce qui est de son expérience scolaire, j’ai d’abord voulu m’intéresser à l’expérience de mon panel à l’école maternelle et élémentaire. Elle a majoritairement été vécue comme angoissante par les répondant.e.s (41%). L’angoisse manifeste est suivie d’une ambiance globalement studieuse (36%) et instructive (36%), mais aussi ennuyeuse (24%) et discriminante (27%).
Dans le secondaire, au collège et au lycée, ça devient un peu plus pesant pour tout le monde. L’ambiance devient angoissante pour 81% des répondant.e.s, déprimante (52%) discriminante (47%) et traumatisante (41%) également. Je n’ai pas vu de mots plus positifs revenir dans les réponses, à part peut-être le mot ‘instructif’, qui a été coché pour 40% des répondant.e.s. Dans le Supérieur, en revanche, il y a du mieux, sans doute parce que l’on a tout simplement le choix dans notre orientation, plus de souplesse et de liberté : les formations sont perçues comme instructives (62%) passionnantes (40%) mais tout de même angoissantes (51%).
Pour ce qui est des discriminations, 70% des personnes qui ont répondu estiment qu’elles ont vécu ou qu’elles ont été spectateur.ice.s d’agissements qui vont dans ce sens à l’école. Pour ce qui est de la source des discriminations, elle viendrait des élèves à 59% et à 32% des enseignant.e.s. Le reste correspond à la famille, aux parents d’élèves, ou au personnel de l’établissement scolaire autre que le corps enseignant.
Lorsque les profs pointent du doigt, et parfois en public, les élèves plus réservé.e.s, le panel estime à 94% que cette manière de fonctionner est « humiliante et peut avoir des répercussions sur l’estime de soi dans le futur ». C’est « inacceptable » et une manière d’agir « discriminatoire » pour 71% des répondant.e.s. Aussi, pour 70% des réponses, « c’est aux professeur.e.s de s’adapter aux élèves et non l’inverse ».
Voilà pour les données chiffrées. En dernière partie, j’ai proposé à mon panel de témoigner anonymement sur ce qu’il a pu vivre et expérimenter à l’école. Vous avez été très nombreux.se.s à me fournir des témoignages. Certains m’ont sérieusement brisé le cœur. Je vais les publier, car j’estime que les lire est utile pour amener à la prise de conscience collective tant espérée, comme je le disais juste avant.
Entre brimades et humiliations publiques, parfois par le corps enseignant lui-même
Je vous le disais au-dessus, vous avez été beaucoup à me raconter vos histoires, et je suis tellement désolée d’avoir lu tous ces récits. Personne ne mérite ça. D’ailleurs, j’appose dès à présent mon trigger warning : pour celleux qui voudraient ne pas lire ces récits pour des raisons évidentes, vous pouvez bien sûr passer toute la partie témoignages.
La plupart du temps, les élèves introverti.e.s interrogé.e.s sont les cibles des professeur.e.s, qui n’hésitent pas à s’adonner à l’humiliation publique, devant une assemblée d’ados qui bien sûr en redemande.
« Une professeure au collège s’est méchamment défoulée sur moi devant tout le monde, avec un ton moqueur et agressif. Ça m’est arrivé plusieurs fois dans ma scolarité d’avoir eu ce genre d’expérience avec des professeurs en manque d’autorité, qui se défoulaient sur le/la plus faible… Vu qu’il n’y a personne pour répondre en face, c’est bien plus facile. »
Souvent, ce même corps enseignant se positionne dans une démarche de harcèlement psychologique : on se défoule sur l’élève comme s’il s’agissait d’un punching ball, on force toujours le même enfant ou ado à passer au tableau, on rit de bon cœur avec les autres élèves, comme si l’on profitait d’un spectacle. C’est sordide.
« Lorsque que j’étais au collège, j’avais une prof qui me forçait tout le temps à participer alors qu’elle savait que je n’étais pas à l’aise. Un jour, elle m’a interrogé et ne m’a pas lâché jusqu’à ce que je relise bien le texte qu’elle m’avait demandé de lire. De plus, lorsque je décidais de participer elle me faisait cette belle remarque : »Ah bah [prénom] sait parler, je n’y crois pas ! » »
L’introversion est une excuse valable pour attaquer un.e élève, quitte à enchaîner les situations humiliantes et les utiliser pour se moquer avec le reste du groupe et pointer du doigt un « manque d’intelligence », comme si cette façon d’être nous rendait moins intéressant.e que les autres.
« J’ai un professeur qui m’a harcelée parce que je suis introvertie. Je ne parle quasiment pas en classe, voire pas du tout. Ce professeur m’interrogeait au moins 10 fois par cours pour me faire parler, et il me rabaissait lorsque je ne répondais pas. En sachant que je déteste qu’on me force à faire des choses, je ne répondais quasiment jamais et devenais complètement muette. J’ai fini en phobie scolaire à cause de ce prof. Et quand j’étais en maternelle on me donnait des cours de soutien pour me faire parler. Ils croyaient que j’étais débile et que je ne savais pas parler. À vrai dire, je savais même déjà lire. Je ne voyais juste pas l’intérêt de leur parler. »
Dans certains cas, les personnes qui sont victimes de ce type de brimades développent une phobie scolaire qui peut avoir un impact sur la vie d’adulte et l’estime de soi : on remet en cause ses capacités cognitives, on se sent plus bas que terre, on se replie sur soi, on est mal conseillé.e, mal orienté.e. Pourtant, ce n’est pas une fatalité. La preuve avec ce très beau témoignage de cette jeune femme au parcours incroyable qui a pris sa revanche et ce de la plus belle des manières. Aujourd’hui doctorante, cette personne inspirante raconte son parcours, parsemé d’embûches, entourée de personnes malveillantes :
« J’ai été victime de discrimination parce que je suis introvertie. Mon plus gros traumatisme vient d’un professeur de français que j’ai eu en 4e et en 3e, qui prenait plaisir à m’humilier devant la classe à chaque cours, et qui a entraîné de nombreuses moqueries des élèves au quotidien pendant des années, une chute drastique dans ma moyenne générale (j’étais une bonne élève et j’excellais particulièrement en français jusqu’à cette période) et une perte de confiance totale en mes capacités cognitives. À cause de son attitude à mon égard et de celle de mes camarades dont j’étais devenue le bouc émissaire, ma moyenne a trop chuté pour que je fasse les classes littéraires au lycée et je me suis encore plus repliée que je ne l’étais. Je me suis retrouvée dans des classes technologiques, sans comprendre ce que j’y faisais, et on me disait que je n’avais pas les compétences pour aller à l’université. J’ai néanmoins fini par y aller, après quelques années à me demander si j’avais les compétences, et j’ai suivi un cursus de lettres et littérature sans jamais trébucher, et le jour où j’ai décroché ma licence mention bien, ma première pensée a été pour ce professeur. J’ai ensuite poursuivi vers le master, au cours duquel j’ai obtenu plusieurs bourses d’excellence, et je suis aujourd’hui doctorante. Ma revanche sur des années de discrimination de la part des élèves et d’un professeur qui prenait un malin plaisir à m’humilier en raison de mon introversion. »
Comme je l’ai précisé au-dessus, ces remarques engendrent beaucoup de stress, de l’appréhension avant d’aller en classe, conduisant parfois dans certains cas jusqu’à la phobie scolaire.
« En ce qui me concerne j’ai un très net souvenir de ma professeure d’espagnol qui en 6ème avait fait la remarque devant la classe que je ne participais pas beaucoup et que ça lui ferait plaisir que je participe plus. Tout le monde m’avait regardé, j’étais vraiment mal à l’aise et encore plus stressée aux cours suivants. Je suis certaine qu’elle avait voulu bien faire mais je ne l’ai vraiment pas perçu comme ça… Sinon en général j’ai souvenir de nombreuses moqueries au collège et lycée et même à la fac de certains élèves envers d’autres très introvertis. Par « chance » je pense avoir bien camouflée cette introversion assez jeune pour éviter justement c’est moqueries et ne pas être trop remarqué. J’étais épuisée en rentrant de cours même en études supérieures (prise de parole sur en public, exposé oral, travail en groupe…) »
Des notes, des moyennes et des appréciations fortement impactées par la timidité et l’introversion
Ce qui est très regrettable, à la lecture de vos témoignages, c’est le nombre de personnes qui affirment que leur introversion ou leur timidité a joué un rôle décisif dans les résultats et les appréciations sur les bulletins scolaires. C’est quelque chose qui a également impacté mes propres notes, je m’en souviens bien, c’est d’ailleurs pour ça que j’ai jeté la plupart de mes bulletins, j’en parle ici. Résignée, je me retrouvais parfois avec des notes divisées par deux parce que je ne trouvais pas la force de participer, et on ne m’aidait pas comme il le fallait pour que je me révèle davantage pendant les cours. C’était très douloureux, car je travaillais autant que d’autres élèves, si ce n’est plus dans certaines matières.
« Le problème c’est les notes de participation orale : ça m’a toujours fait baisser la moyenne et je trouve ça inutile. Aussi à chaque bulletin j’ai toujours la mention « trop discrète » « ne participe pas assez »
« Je me souviens en classe d’anglais en 2nde, le prof aimait les personnes extraverties et ma moyenne (qui a toujours été bonne) est passé en dessous du 10. J’ai alors beaucoup observé le comportement du prof et des élèves en classe et j’ai été choqué lorsque j’ai vu le comportement inapproprié du prof envers les filles qui ont appris à en profiter. J’ai cru que j’allais abandonner les langues et lorsque il a poussé la décision de mon redoublement et que j’ai eu plus de 14 de moyenne cette année-là, j’ai compris que les gens peuvent être tellement toxiques qu’ils peuvent nous bloquer la route de notre avenir. »
« Ici, il n’y a pas de timides : tout le monde parle ! »
Au-delà des notes, c’est toute l’énergie que certain.e.s enseignant.e.s consacrent à la stigmatisation, façon tour de table sur fond de reproches, et à la culpabilisation et l’emprise psychologique sur les élèves plus réservé.e.s, jouant de leur figure d’autorité pour parvenir à leurs fins. L’élève n’est pas normal.e, cette personne a résolument un problème, elle doit être aidée, car après tout, « comment fera-t-elle plus tard ? »
C’est terriblement offensant et cela nous conforte dans l’idée que nous sommes le problème et qu’il convient de changer pour exister et recevoir la validation tant indispensable au sein de la société pour avancer, comme si nous n’existions que dans le regard des autres. Ce long récit est l’illustration de cette forme de discrimination :
« Ma première « discrimination » était en CM1, un blanc survient après une question de la maîtresse. Après quelques minutes sans réponses elle commence à nous disputer mais pas toute la classe, seulement les élèves qui ont l’habitude de ne pas parler en classe. Elle énumère les noms et vient à moi « ou comme (prénom) qui ne se casse pas la tête, qui laisse les autres réfléchir, qui fait rien…. » Alors que j’avais de très bonnes notes. Le soir, je le dis à mes parents, pas forcément dans l’attente de quelque chose. Mais ils décident de prendre rendez-vous le mardi suivant. Ils vont au rendez-vous, je ne sais pas grand chose. Je sais juste que ma mère n’a jamais vu mon père aussi énervé. La maîtresse et la directrice ont dit à mes parents : « comment elle fera au collège, c’est la jungle ! », « Mais comment elle fera quand elle cherchera un job au Mcdo ». C’est les seuls échos que j’ai eu de ce rendez-vous. Le mercredi passe, je n’ai pas école. Le jeudi arrive, elle me demande de rester pendant la récréation. Je reste, elle s’assoie à ma table devant moi, elle commence à me dire qu’elle n’a pas dormi de la nuit et que c’était grave… Tout ça pour UNE question : j’avais raison de faire ça ? Je lui dis non. Alors elle recommence. Je commence à pleurer, j’en ai marre, j’ai faim, je veux aller en récréation et surtout elle me fait peur. Après avoir recommencé, elle me repose la même question. Cette fois je lui réponds « oui ». Non pas que j’ai changé d’avis, mais je savais qu’elle n’allait pas me lâcher. Ça s’est terminé comme ça, avec des remarques pendant le reste de l’année, des mots sur le bulletin, tels que « transparente » etc…
La deuxième histoire de cette même personne se poursuit cette fois au lycée. Une enseignante, catégorique, affirme qu’il n’y aura pas de timides dans sa classe, n’hésitant pas à assimiler la timidité à de la « paresse ». Que ce soit en off ou en public, les humiliations se poursuivent :
« La deuxième vraie histoire se passe cette année avec ma prof d’anglais de seconde. Il y a plusieurs anecdotes dedans. Déjà, sur le papier habituel de présentation de la rentrée j’écris que je suis très timide et que j’ai beaucoup de mal à l’oral. Elle ramasse les papiers et commence son cours par : « alors ici, il n’y a pas de timide, tout le monde parle », je comprends que l’année commence très très mal. Ensuite, après 2 ou 3 mois dans sa classe, elle prend une amie qui parle un peu plus que moi mais pas assez pour cette prof et moi après un cours. Elle nous dit qu’on n’a rien a faire là si on ne parle pas et que nous n’irons jamais dans un pays anglophone. Elle demande pourquoi on ne parle pas, moi, je lui réponds que je ne sais pas ayant peur de sa réaction si je lui dis que je suis trop timide et introvertie. Elle me répond alors que c’est uniquement de la paresse. Je ne réponds rien et ça c’est terminé là dessus. Enfin, on devait faire une pièce de théâtre pour Noël. ( j’étais terrifiée, angoissée…) On passe, ça va. C’était moins pire que ce que je croyais. Plusieurs groupes (pas tous) passent deux fois puisqu’on a le temps. Elle nous demande mon amie et moi de passer une deuxième fois, je réponds non. On est passées une seule fois, ça suffit. Ma classe (d’extravertis bien sûr) commence à « crier » mon prénom pour soi disant m’encourager. Ça m’angoisse encore plus. Je continue de refuser. La prof me dit alors que notre note sera divisé par deux. Je demande à mon amie si elle veut passer pour ne pas avoir sa note divisée par deux. Elle me répond non et qu’elle voit bien que je peux pas (elle est pourtant très différente de moi, très très extravertie). Je me sens coupable pour la note de mon amie, j’ai envie de pleurer mais me retiens car le cours n’est pas terminé et que je ne veux pas pleurer devant ma prof. Au final, j’ai gagné, on a eu 11 donc une note impossible à avoir si elle avait divisé notre note par deux ! Et j’avoue j’étais heureuse. »
Quand les autres élèves s’y mettent
On sait parfaitement que les enfants et les ados peuvent être très cruel.le.s avec leurs congénères. Tout le monde sera d’accord avec ce que je viens d’écrire, y compris les adultes, également celleux qui travaillent au sein de cette institution, puisqu’iels sont les premier.e.s à voir les graines de génies à l’oeuvre. C’est ainsi que certains cas de harcèlement scolaire commencent : une jeune personne prise pour cible, des moqueries, et pourtant, les adultes ne bronchent pas alors que ces dernier.e.s peuvnet largement sensibiliser les plus jeunes et faire cesser la lapidation publique. Florilège :
« Je pense qu’on a tous eu les fameuses réflexions déstabilisantes et pas agréables comme « Parle plus fort on va pas te manger » « Tu fais la gueule ou t’es triste ? Tu parles pas… » « Fais pas ta sauvage » Les élèves qui jugent le fait qu’on ne sorte pas car la norme est d’aimer sortir et faire la fête. On devient donc automatiquement bizarre. »
« Les élèves « discrets » sont souvent la cible des petites brutes, c’est très facile à voir dans la cour de récréation en maternelle, primaire et au collège. La violence s’estompe au lycée, mais les professeurs prennent le relai en pointant du doigts les élèves « ne participant pas en classe ». »
« En sixième à la récréation, des élèves venaient me voir pour se moquer de moi car j’avais développé un mutisme protecteur de par ma timidité. C’était devenu un jeu pour eux d’essayer de me faire parler. »
Et quand on ne se moque pas, on applique la règle de l’ignorance, qui est très difficile à vivre au quotidien lorsque l’on est très jeune et que l’on voudrait s’intégrer.
« J’ai déjà été victime de discrimination par rapport à ma timidité. On ne me prend jamais au sérieux, on ne nous comprend pas. Je suis en 2nde, j’ai 15 ans, et en général les gens évitent de m’adresser la parole. Quand ils cherchent une information, ils demandent à tout le monde dans la salle, sauf à moi. Alors qu’ils savent que je suis le plus susceptible de pouvoir les aider. Et ça, je le prends plutôt mal. Je ne suis pas quelqu’un qui parle souvent, je parle même très rarement mais ça me fait toujours du bien quand quelqu’un vient me parler. Je me sens vraiment soulagé, même si je ne me sens pas très à l’aise avec la personne, mais pour moi, c’est une opportunité de bien faire, comme un entrainement quoi. Et j’aime quand on vient me parler parce que je suis souvent seul. »
« Je n’ai jamais été très à l’aise dans des grands groupes, en particulier au collège. Une fois une amie m’avait invité à la piscine, on était trois, j’ai pu m’épanouir, sourire, me révéler… De retour au collège, elle a tenté de faire être comme ça dans la vie de tous les jours mais ce n’était pas moi. Voyant que ça ne marchait pas, elle ne m’a plus parlé du tout car elle ne supportait pas que je sois aussi introvertie devant les autres alors que je pouvais être autrement, elle partait quand elle me voyait, me critiquait sur mon silence, me lançait des remarques auxquelles je ne savais pas répondre … La classe a suivi le mouvement, c’est devenu limite du harcèlement. Peut-être qu’elle faisait ça pour me « réveiller » et qu’on voit qui j’étais en dehors du collège, une jeune fille joyeuse, mais ça m’a fait beaucoup de mal qu’elle tente de me changer. »
« Mes parents me disent que je leur fais honte et que je salis leur réputation »
J’ai également été horrifiée de lire que certains parents allaient dans le sens de l’école : lorsque les cours sont terminés, les figures parentales prennent le relai. La famille est le premier lieu où l’on devrait pouvoir se réfugier pour y trouver du soutien. Je suis navrée de voir que dans certains cas, il n’y en a pas. Trigger Warning. Le récit qui suit va dans ce sens et il est très dur à lire, sur fond de validisme :
« Je ne sais pas si c’est de la discrimination mais à chaque fois, mes parents me crient dessus car je suis extrêmement timide, ils ne comprennent pas que ce n’est pas ma faute si je suis comme ça, ils disent que je ‘ne suis pas un bébé pour pleurer, ils disent que je leur fais honte et que je salis leur réputation, ils disent que les autres vont penser que je suis une handicapée. »
« Ma mère parlait souvent de moi quand j’étais dans la même pièce alors que je lisais un livre ou que je jouais. C’était rarement en positif. »
Les suggestions du panel : sensibilisation et encouragements pour tout le monde
J’ai enfin demandé aux répondant.e.s s’iels avaient des suggestions à apporter pour éviter les discriminations et trouver des solutions pour intégrer tout le monde, y compris les introverti.e.s, dans un groupe. Les idées sont toutes séduisantes, et je me permets de les partager, car elle méritent toutes d’être lues par le plus grand nombre.
La plupart du temps, on soumet l’idée d’axer davantage les formations des enseignant.e.s sur la sensibilisation et la psychologie. Je ne connais pas les formations des enseignant.e.s, donc je ne peux pas vous dire s’il y a des cours consacrés aux rapports entre les profs et les élèves ou non. Mais si ce n’est pas le cas, ça devrait l’être.
« Intégrer dans la formation aux enseignants des initiations à cette problématique pour plus d’inclusion ensuite. »
« Sensibiliser le corps enseignant pour qu’il nous comprenne mieux et qu’il s’adapte »
Aussi, selon le panel, il faudrait cesser de sacraliser sans cesse la participation orale : ce n’est pas parce que l’on ne participe pas que l’on n’a pas compris un cours, ce n’est pas parce que l’on ne participe pas que l’on n’écoute pas ou que l’on est en difficulté. Dans l’apprentissage, on ne devrait jamais être forcé.e à faire quelque chose contre notre gré. Ça rejoint la question cruciale du consentement, qui à mon sens devrait s’inscrire dans toute forme d’apprentissage.
« Essayez de comprendre [les élèves] et arrêtez les notes de participation : on participe si on se sent capable et non en étant forcé »
« Juste que les profs arrêtent de rabâcher les élèves sur le fait qu’ils ne parlent pas. Il faut les aider d’une autre manière, par le théâtre par exemple qui a beaucoup marché pour moi, ou tout autre forme d’aide, tant que ce n’est pas humiliant pour l’élève et qu’il se sente a l’aise. Il faut que les professeurs s’adaptent à certains élèves. Le parcours scolaire n’est pas adapté à nous, je pense que ce serait le minimum que les enseignants s’adaptent même si je sais que beaucoup travaillent dur. Ce n’est pas en les engueulant et en les faisant passer au tableau que ça va les aider, justement, vous allez empirer les choses. »
« Si les profs pouvaient comprendre qu’il n’y a pas forcément besoin de participer pour apprendre et comprendre le cours, ce serait déjà incroyable. »
« J’estime que par exemple noter la participation en cours est plus angoissant qu’enrichissant, se forcer à faire quelque chose qui est à l’opposé de notre nature et de se voir pénalisé si on n’arrive pas à le faire n’est pas une bonne solution. »
« Lorsque des profs remarquent que les élèves sont gênés, qu’ils ne les brusquent pas parce que ça peut juste mener à une perte de confiance en soi. »
« Ne pointer personne du doigt, accepter que certaines personnes soient discrètes et effacées (les adjectifs qui revenaient le plus dans mes bulletins scolaires) et s’adapter sans forcer les élèves à participe. »
Mais surtout, l’idée qui revient le plus, c’est celle de la sensibilisation en classe : en parler, être à l’écoute c’est un premier pas vers l’acceptation des différences. C’est aussi valable à la maison, pour les parents.
« Il faut apprendre aux enfants dès le plus jeune âge la tolérance envers la différence. »
« Il me semble qu’il y a des cours de bienveillance en primaire, il faudrait les élargir pour le secondaire ! »
« Un professeur devrait encourager tous les élèves et reprendre des élèves de manière instructive et respectueuse s’ils se moquent de leurs camarades. »
« Engager la conversation autour du sujet. En petits groupes, à l’école. Sans obliger personne à participer. »
« C’est une éducation bienveillante que doivent tenter de donner les parents pour que leurs enfants soient bienveillant en retour. Nous laisser tranquille si on veut être seul et stopper la pression sociale qui nous dicte qu’il ne faut jamais être seul. »
« Je pense que les enseignants pourraient déjà apprendre qu’être introverti n’est pas une tare mais aussi apprendre aux élèves que si leur camarade ne parle pas beaucoup, ce n’est pas qu’il est « bizarre ». Il faut éduquer à ce sujet. »
La question de la représentation rentre aussi en ligne de compte, et devrait selon moi être intégrée dès les premiers instants de la vie d’un enfant : il faut pouvoir montrer aux plus jeunes qu’il est possible de réussir, de briller, d’être un modèle, tout en étant introverti.e. C’est TOTALEMENT compatible. Combien de personnalités célèbres sont introverties ? Je pourrais vous en citer un tas.
« Montrer qu’il n’y’a pas qu’en étant extraverti qu’on réussit et qu’on est intéressant aussi. »
Et puis aussi… Il faudrait aussi intégrer et AIDER les élèves introverti.e.s, en essayant de trouver un consensus pour qu’iels s’adaptent tout en respectant leurs besoins. Tout simplement, et le tout sans juger.
« Les profs devraient parler individuellement aux élèves et mettre en place des moments (genre après le cours) pour les aider. »
« Ne pas juger les comportements qui peuvent paraître étranges aux yeux d’un groupe, respecter les besoins (isolement, contacts physiques non-consentis…) de chacun, être à l’écoute des autres, limiter les conflits. »
« Arrêter de vouloir privilégier le travail de groupe à tout prix, les introvertis fonctionnent mieux seuls, c’est bien d’en tenir compte. »
« ll faut être à l’écoute de tout le monde dans un groupe. Les « fortes têtes » doivent apprendre à se taire et à écouter les autres qui ont souvent des choses très intéressantes à dire. »
« Faire des petits groupes dans le groupe et essayer de mettre les introvertis/timides avec des gens empathiques et bienveillants. »
« Il faut accepter les autres tels qu’ils sont, et ne pas forcer un introverti. Il ne ressort rien de bon de vouloir qu’une personne introvertie agisse comme une extravertie. Et il n’y a pas à juger une personne introvertie comme plus bête que les autres. Les introvertis ont leur rythme et leur façon de travailler et de voir les choses. Il faut qu’ils soient à l’aise en toutes circonstances. »
« Moi je suppose que quand on se retrouve face à quelqu’un qui est dans ce cas de figure, il faut essayer de l’intégrer un max. Par exemple en le faisant participer à la conversation (sans le forcer bien sûr) ou bien l’inviter à rester avec le groupe. »
« Apprendre à composer avec les différences de chacun. Proposer des projets à compte rendu oral sur la base du volontariat, sinon rester sur un écrit et/ou un rendu créatif (poster…). Pourquoi ne pas proposer aux introvertis de participer de manière plus discrète, par tablette/pc ou message papier ? »
« Valoriser l’intelligence émotionnelle et la sensibilité. »
Je trouve toutes ces idées très intéressantes. Elles mériteraient vraiment que l’on se penche dessus et je suis convaincue qui si on le faisait sérieusement, il n’en ressortirait que du positif.
Certaines personnes parlent plus que d’autres. Vous n’y pouvez rien, la nature est ainsi faite, il existe autant de caractères que d’êtres humains sur cette planète. Et il convient de respecter chaque personne qui fait partie de votre vie, y compris cet élève discret dans cette classe, qui a autant à apporter que n’importe qui d’autre. Ne pas participer n’est pas un crime, et vous devez définitivement intégrer ça.
Pour toutes les personnes qui sont à l’école : prenez conscience de votre potentiel. Votre différence est un énorme atout, ne laissez jamais personne vous dire le contraire, que ce soit un.e prof ou un.e membre de votre famille. Une figure d’autorité n’a pas toujours réponse à tout ou systématiquement raison. Vous pouvez briller à votre façon.